J'ai 31 ans, je suis mère de trois enfants et je suis enseignante au primaire. Je me considère encore comme ce que l'on nomme dans le milieu de l'éducation «une jeune enseignante» et je suis passionnée par mon métier. Bien que mes années d'enseignement au primaire soient relativement peu nombreuses, je crois être en mesure de rendre compte de certaines observations effectuées au cours des dernières années. J'ai eu envie de partager ces tristes constatations parce que je suis inquiète pour l'avenir de plusieurs enfants que j'ai pu côtoyer au fil du temps.

En effet, il me semble que les élèves que les enseignants accueillent dans leurs classes sont de plus en plus fréquemment confrontés à des crises familiales importantes et à des changements significatifs de leur mode de vie, et ce bien malgré eux.

Par exemple, il est maintenant chose commune de recevoir, dans une classe de première année, un enfant de 6 ans qui doit composer avec la deuxième séparation d'un de ses parents ou un troisième déménagement. Ces enfants subissent les contrecoups d'événements sur lesquels ils n'ont aucune emprise et qui engendrent un haut niveau de stress.

Comprenez bien que mon intention n'est pas de blâmer les parents qui se séparent ou qui vivent des situations difficiles... Cependant, lorsqu'un enfant d'âge primaire doit s'adapter à la venue d'un nouveau conjoint, du nouveau bébé de papa, de nouveaux demi-frères ou demi-soeurs, ou encore qu'il doit se familiariser avec une nouvelle école et un nouveau quartier pour la deuxième, troisième ou quatrième fois, il y a fort à parier qu'il risque d'être moins réceptif et disponible pour effectuer des apprentissages scolaires.

Les enfants à qui j'enseigne depuis quelques années me paraissent souvent anxieux, vulnérables et fatigués; ce qui n'est pas étonnant en soi puisque plusieurs arrivent au service de garde vers 7h et qu'ils repartent vers 18h (les parents n'ont pas le choix, je le sais, et ils font de leur mieux... je le sais aussi!) Il reste que les enfants d'âge primaire ont des journées aussi longues et exigeantes que celles des adultes et qu'ils sont confrontés à des agents de stress importants.

Les enfants me semblent souvent susceptibles et à bout de nerfs. Ils paraissent émotionnellement perturbés et démontrent fréquemment des difficultés relationnelles et des problématiques d'attachement.

Un psychologue en milieu scolaire me disait récemment que de plus en plus d'enfants reçoivent un diagnostic de dépression ou de troubles d'anxiété en bas âge. Cette situation m'inquiète.

Malheureusement, je n'ai pas de solution miracle. Je sais, par contre, que les élèves du primaire sont entre bonnes mains à l'école puisque la très grande majorité des enseignants les prennent sous leur aile et tentent de créer un lien significatif avec eux. Mais malgré toute leur bonne volonté et leur compétence, les enseignants ne peuvent toutefois se substituer aux parents et ne peuvent panser les blessures affectives des enfants perturbés. Au mieux, ils arriveront à mettre un baume sur leurs écorchures pour les 10 mois qu'ils passeront avec eux. Ainsi, mon souhait est le suivant: collectivement, prenons soin de nos enfants. Ne leur demandons pas d'être de petits adultes.