Le programme de la Coalition avenir Québec suscite chez moi un profond malaise, par delà mon désaccord avec le vote obligatoire en matière d'accréditation syndicale, que je considère comme une attaque peu subtile, mais très efficace pour restreindre la syndicalisation. Je veux sortir des vieilles chicanes et de l'affrontement patronal-syndical. Je veux aller au coeur du programme pour peser ce qu'il a à offrir aux Québécois.

D'entrée de jeu, je reconnais à la CAQ un talent certain pour identifier les cordes sensibles: corruption, accès aux soins, école repensée, fiscalité allégée et conciliation famille-travail...

Le socle sur lequel reposent les 94 engagements de la CAQ doit être à la hauteur de sa marque de commerce, celle du comptable rigoureux, de l'incarnation de l'orthodoxie budgétaire, du pourfendeur de toute distinction entre dépenses d'épicerie et d'infrastructure, du champion du remboursement de la dette, capable de surcroît de livrer un système de santé fluide et une école renouvelée. Surtout, ce qui me dérange, c'est cet air de prestidigitateur qui susurre: «Inquiétez-vous pas, ça fait pas mal», «C'est simple», «Y'a qu'à...».

La fosse aux trésors de la CAQ, c'est la lutte au gaspillage et à la débureaucratisation. Quand on questionne le comment, on se retrouve au royaume du déjà-vu et d'une réingénierie abordée une fois de plus par le biais des structures.

Hier, c'était la disparition des régies régionales et la fusion des établissements qui allaient sauver le système de santé. Aujourd'hui, ce sont les agences qu'il faut abolir. Hier, c'était la fusion des commissions scolaires, voire leur disparition. Aujourd'hui, ce sont les centres de services avec à la clé des économies incommensurables! Deux fois dans les neuf dernières années, nous avons révisé les organismes publics dans le but d'en éliminer. Parlant débureaucratisation, peut-on s'affairer à des travaux plus utiles?

La CAQ prétend pouvoir couper des fonctionnaires sans que ça fasse mal. Impossible de tirer les leçons de nos erreurs passées: perte d'expertise au ministère des Transports et vulnérabilité par rapport à la corruption, perte d'expertise aussi en informatique, cafouillage de l'informatisation du dossier médical et coûts astronomiques, compressions à l'entretien ménager et épidémies de C. difficile qui ont fauché des vies, pénurie de médecins, d'infirmières, de secrétaires médicales, suppressions en éducation, qui nous handicapent encore et alimentent toutes sortes de faux débats sur les vertus du privé.

Nous devons réorganiser le travail dans le public plutôt que de fuir, comme le veut le Dr Gaétan Barrette, vers le privé au bénéfice des médecins propriétaires.

Que dire aussi de la proposition racoleuse de la CAQ, qui promet cinq jours de congé payés pour concilier travail et famille. Bon point, qui contredit le cliché méprisant de l'amour des jeunes pour «la belle vie».

Conditionnelle à une consultation, il s'agit d'une promesse mort-née, concoctée pour la galerie. J'ai vu le patronat déchirer sa chemise pour des mesures moins coûteuses que 2% de la masse salariale, pour l'assurance parentale notamment.

Le programme prétend que ce congé existe déjà dans le secteur public. Ce n'est pas exact. Le recours à d'autres congés existants ne peut en tenir lieu. En passant, 2% de la masse salariale dans le secteur public, c'est 600 millions de dollars.

Soyons clairs. Je suis et j'ai toujours été pour la conciliation famille-travail. Il faut être de son temps. Je constate toutefois que la soif du pouvoir peut conduire à promettre 600 millions sans même s'en rendre compte! Même genre de problème d'effet domino avec certaines propositions ciblées d'augmentation salariale dans un contexte d'équité salariale.

M. Legault, vous devez choisir votre camp. La transparence des programmes et la volonté d'échapper au clientélisme font partie de l'intégrité dont vous voulez vous faire le champion.