Il n'avait pas vraiment le choix. Jean Charest aurait pu attendre encore quelques mois, mais il n'avait aucune garantie que ce sera mieux pour son parti. Le chaos du printemps dernier ne disparaîtra pas par magie.

Il a donc conclu qu'il fallait s'en remettre au peuple. Et bien malin celui ou celle qui peut prévoir le résultat de cette élection.

Dans l'histoire du Québec, des courants politiques diamétralement opposés se sont affrontés à différentes époques. À la fin du XIXe siècle et au début du XXe, il y a eu les rouges contre les bleus. Dans le dernier demi-siècle, nous avons assisté à une lutte entre fédéralistes et souverainistes. Cette fois-ci, la bataille électorale en sera principalement une entre les partisans de la gauche et du centre (certains diront le centre droit).

Dans ce nouveau paradigme, les trois principaux partis politiques peuvent légitimement aspirer à la victoire. Pour ce faire, ils devront parfaitement exécuter leurs stratégies électorales et minimiser leurs vulnérabilités respectives.

La «grève» étudiante a redonné espoir aux libéraux. Ils compteront sur l'appui d'une majorité silencieuse qui, selon eux, a conclu que leur position dans le conflit étudiant était justifiée et raisonnable. Ils feront valoir la paix sociale plutôt que la rue. Ils tenteront de convaincre les Québécois qu'en ces temps incertains, ils sont les meilleurs gestionnaires de l'économie et des finances publiques, une stratégie qui a porté ses fruits depuis Robert Bourassa.

Au PQ, on a cessé de contester publiquement Mme Marois et on mettra l'accent sur l'équipe plutôt que la chef en mettant en avant-scène une brochette de candidats notoires, tels que Lisée, Duchesne et la jeune recrue Blouin. À la Coalition avenir Québec, on fera campagne sur le thème du changement.

Dans leur quête du pouvoir, les trois principaux partis auront à surmonter des défis considérables. Mme Marois aura fort à faire pour convaincre qu'elle est la meilleure option pour le poste de premier ministre du Québec. Non seulement représente-t-elle la vieille garde au PQ, sa décision de porter le carré rouge et d'aller dans la rue brandir des casseroles fera d'elle une cible de choix pour ses adversaires politiques. Comme parti, le PQ reste assurément prisonnier de son option, la souveraineté, et de ses alliés indéfectibles, les centrales syndicales. L'idéologie prédominante au PQ n'a pas changé depuis les années 60. À tous les problèmes, une solution: toujours plus d'État.

Après un départ prometteur, la CAQ a commis quelques erreurs stratégiques. Sa fusion avec l'ADQ, un parti moribond et de moins en moins pertinent, l'a marginalisée. Plutôt que de présenter des politiques audacieuses, on a accouché de réformettes. Convaincra-t-on les Québécois que l'abolition des commissions scolaires et l'évaluation des enseignants mèneront à une amélioration substantielle de la qualité de l'éducation? M. Legault réussira-t-il à incarner le changement après avoir été l'un des ministres clés du gouvernement du parti québécois?

Le PLQ n'aura pas la tâche facile. Il a été élu en 2003 et ses politiques ont fait de nombreux mécontents. Certes, M. Charest est un politicien redoutable, mais il fera face à un électorat extrêmement polarisé et à une opposition plus déterminée que jamais à le chasser du pouvoir.

Le débat initié par la CLASSE sur la gratuité de l'éducation postsecondaire a provoqué un débat plus large, qui définira largement l'enjeu du prochain scrutin. En effet, cette élection sera une occasion de débattre non seulement de la redistribution de la richesse, mais considérant les coûts de plus en plus élevés de l'éducation, de la santé et des besoins en infrastructures, de convaincre qui sera le plus apte à la créer.