L'auteure engagée et auréolée de Gatineau, Djemila Benhabib, sera candidate pour le Parti québécois dans la circonscription de Trois-Rivières.

On peut trouver que c'est une bonne ou une mauvaise idée. On peut aussi légitimement trouver, comme l'a subtilement souligné la candidate libérale, «qu'elle ne connaît rien aux problèmes de Trois-Rivières». Encore que madame la candidate libérale, pour faire bonne mesure, aurait pu aussi soumettre la liste de tous ces députés et ministres de son propre parti qui ne sont pas des résidants de leur circonscription; cela existe dans tous les partis fédéraux et provinciaux où l'on veut s'assurer de la présence d'hommes et de femmes de valeur au gouvernement en leur «réservant» une circonscription sûre.

Cela étant, plusieurs sont agacés par le «parachutage» d'un candidat, surtout s'il ne se soumet pas à une investiture. Et plusieurs préfèrent «un gars du coin» à quelqu'un qui vient d'ailleurs. C'est leur droit le plus strict et cela pèse évidemment dans la balance au moment du scrutin. Or, que je sache, la circonscription où s'apprête à se présenter Mme Benhabib n'apparaît pas comme un bastion péquiste où elle va passer comme une balle... Rendons tout de même hommage à son courage ou soulignons sa témérité.

Un député, par définition, est mandaté par ses électeurs pour représenter leurs préoccupations, leurs difficultés de tous ordres. Mais il n'est pas que cela. Il est aussi, par son envergure intellectuelle, ses connaissances, son courage et sa probité, une personne que l'on est fier d'envoyer à l'Assemblée nationale. Un actif pour le gouvernement, pour l'Assemblée nationale. Tous partis confondus, ce fut le cas de Pierre Trudeau, de Claude Ryan, de René Lévesque, de Jeanne Sauvé, de Jacques Parizeau...

Mais quand j'entends des électeurs de la région de Trois-Rivières dire à la caméra, sans aucune retenue, qu'eux, «ils ne veulent pas d'étrangers», ou pire encore, que «les postes de députés et de ministres devraient être réservés aux Québécois», je me dis: mais dans quel monde vivons-nous?

Voilà une dame dont elle et sa famille ont subi l'oppression dans leur pays d'origine, qui a choisi le Québec en 1997, qui a fait des études avancées, ici même au Québec, qui parle un excellent français, qui a publié un essai courageux pour dénoncer la frange extrême de l'islam dans le sort qu'elle réserve aux femmes. Eh oui, justement, cet islam dont plusieurs des nôtres se méfient tant! Et on lui dirait «Pas dans ma cour! Reste chez toi!» ?

Qu'on vote contre elle parce qu'on n'aime pas le PQ, ses objectifs ou son programme, parfait.

Qu'on vote contre elle parce que, n'étant pas du coin, on préfère une «femme de chez nous», passe toujours. Encore qu'il me semble qu'il n'y a pas si longtemps, nous avons élu une Québécoise anglophone pas «parfaitement bilingue» qui a fait campagne dans le sud des États-Unis sans n'avoir jamais mis les pieds dans sa circonscription...

Mais que l'on dise «on ne veut pas d'étrangers, des Québécois seulement!», c'est une honte!

À partir de quand est-on un Québécois? 5 ans? 10 ans? Pierre Foglia: un étranger ou un Québécois? Amir Khadir? Un médecin étranger ou québécois? Le ministre Sam Hamad? La ministre Yolande James? La députée et vice-présidente de l'Assemblée nationale, Fatima Houda-Pépin?

On ne construira jamais une société fraternelle, et encore moins un pays souverain, si on divise ainsi les purs et les autres. Tous les pays ont eu leurs vagues d'immigrants. Et tous les pays ont eu à composer, à s'ajuster avec le phénomène, à baliser parfois les arrivées, à s'enrichir de l' «étranger». Faisons comme les autres.

Et, si possible, fidèles à nos origines bien québécoises, faisons-le avec un peu d'amour et de compassion!

Car, dans ce Nouveau Monde, à quelques centaines d'années près, nous sommes tous des étrangers!