Éric Goudeau, un des grands hauts fonctionnaires issus de la Révolution tranquille, est décédé récemment à l'âge de 88 ans. J'ai eu le privilège de travailler avec lui pendant de nombreuses années et j'ai pu constater qu'il voyait son rôle de fonctionnaire non seulement comme celui d'un exécutant compétent de la politique gouvernementale, mais comme un concepteur et un promoteur de cette politique. C'était un bâtisseur, et c'est avec raison que le gouvernement actuel, à l'occasion du 50e anniversaire de Révolution tranquille, l'a reconnu officiellement comme ayant été l'un de ses principaux artisans. Le Québec moderne lui doit beaucoup. Il a d'ailleurs été nommé, en 1995, Chevalier de l'Ordre national du Québec.

En plus de contribuer à plusieurs dossiers importants, dont celui d'Hydro-Québec, Éric a littéralement ouvert le Québec à deux de ses composantes maintenant essentielles, mais qui, jusqu'alors, ne faisaient pas partie de l'imaginaire québécois: le Grand Nord et les Autochtones.

Éric est le nouveau Champlain du Nouveau-Québec. C'est lui qui, le premier, a su convaincre son ministre et le gouvernement québécois de s'intéresser à cette vaste portion de notre territoire, jusqu'alors presque complètement ignorée. C'est lui qui a mis sur pied et dirigé la Direction générale du Nouveau-Québec qui, une fois en place, a réussi à prendre le relais l'administration fédérale qui avait profité l'absence du Québec pour s'y installer. Robert Bourassa et sa Baie-James, Jean Charest et son Plan Nord doivent une fière chandelle à Éric Gourdeau.

Dans le Grand Nord, il y avait des habitants. Et des habitants différents des autres Québécois. Et c'est ainsi qu'Éric s'intéressa aux Autochtones, au point d'en devenir le principal défenseur auprès du gouvernement. Pour ce faire, il a créé le Secrétariat des activités gouvernementales en milieu amérindien et inuit (SAGMAI) qui est ensuite devenu le Secrétariat aux Affaires autochtones. Il a non seulement établi des relations de confiance réciproque avec les dirigeants autochtones, mais il a inspiré la politique québécoise de respect et de reconnaissance qui a été affirmée solennellement par le gouvernement en 1983 et par l'Assemblée nationale deux ans plus tard. Éric aimait profondément les peuples autochtones et il a fait tout ce qu'il a pu pour corriger les injustices dont ils ont été victimes depuis le milieu du XIXe siècle.

Tout au long de sa carrière, Éric a travaillé de près avec René Lévesque, aussi bien à la Direction du Nouveau-Québec qu'aux Affaires autochtones. Il en a gardé, avec raison bien sûr, une énorme admiration pour M. Lévesque et, récemment, il a profité des dernières années de sa retraite pour mettre sur pied la Fondation de La-Maison-René-Lévesque qui a pour mission de construire et d'animer un mémorial à la mémoire de René Lévesque dans sa ville natale de New Carlisle. C'est un projet très intéressant auquel d'autres et moi-même sommes associés, et que nous avons à coeur de mener à terme malgré son départ. Il nous a tracé la voie et nous ne manquerons pas de suivre ses traces.