Dans son éditorial, Mme Krol critique l'intervention du ministre de la Santé, le Dr Yves Bolduc, qui a demandé à l'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux (INESSS) l'an dernier de réévaluer le dossier de certains traitements ciblés très onéreux dont le remboursement avait été refusé par l'organisme. Elle qualifie cette intervention d'enrayage dans un mécanisme qui jusque-là fonctionnait bien. Or, c'est loin d'être le cas.

Premièrement, l'INESSS (et son prédécesseur, le Conseil du médicament) n'a qu'un rôle de conseil auprès du ministre de la Santé. Ce dernier est le seul qui a l'autorité d'approuver ou de refuser le remboursement d'un médicament donné. Le ministre Bolduc n'a donc fait que son job, ce qui n'est pas toujours monnaie courante dans notre gouvernement. Bien qu'il n'arrive pas souvent qu'un ministre de la Santé renvoie ses fonctionnaires à leurs devoirs, le geste fait par le ministre Bolduc en est un de courage politique, posé par souci d'équité. En effet, la situation du remboursement des traitements de pointe en oncologie au Québec était devenue critique à l'automne 2012, remettant en question le professionnalisme de l'INESSS, tandis que la réputation de son prédécesseur, le Conseil du médicament, était fort mauvaise depuis plusieurs années. L'INESSS venait de continuer dans la voie tracée par le défunt Conseil du médicament, qui plaçait le Québec à l'avant-dernier rang des provinces canadiennes en matière de remboursement des traitements pour certains cancers - dont le cancer du rein - qui est celui dont je suis atteinte. Loin de plier, le ministre a usé de gros bon sens. Ces traitements, qui étaient en mesure de prolonger la survie de plusieurs patients et qui sont remboursés dans la plupart des pays à économie comparables à la nôtre, où leur efficacité n'est pas remise en question, avaient été déclarés non efficaces par les fonctionnaires québécois l'année d'avant. Comme par magie, alors que le ministre a formellement demandé à l'INESSS de consulter des experts-oncologues dans l'analyse de l'efficacité thérapeutique, ces mêmes médicaments sont soudainement devenus efficaces. De là à conclure que notre système était déficient, il n'y avait qu'un pas que les experts en oncologie avaient franchi depuis longtemps. Il y a donc eu correction de la mécanique.

Dans un deuxième temps, il y a eu réalignement d'une mécanique qui n'était plus efficace depuis longtemps. Alors que le Québec semblait se glorifier de faire cavalier seul dans le domaine de l'oncologie où la mise en commun des défis au niveau national et international peut seule assurer une certaine justice et faire avancer la science tout en protégeant la survie des gens atteints, le ministre en est venu à accepter que le Québec négocie avec les compagnies pharmaceutiques, ce qu'il n'avait jamais fait auparavant.

Mme Krol agite le spectre de la faillite de notre système de santé. Il y a des dépenses autrement plus injustifiables et des corrections plus importantes à apporter à notre système d'assurance public que celle de refuser des traitements sous prétexte qu'ils sont trop coûteux. L'expression qu'elle utilise «nous en donner pour notre argent», me fait frémir quand on parle de vies humaines. Si cette pensée économique avait prévalu dans le passé, nous n'aurions pas de greffes du coeur, de greffes de moelle épinière et bien d'autres avancées de la médecine moderne au Québec.