Où êtes-vous pendant que vous lisez ces lignes ? À la maison sur lapresse.ca? Au bureau ? Sur votre téléphone intelligent ? La question se pose. Le Canada est le pays où les citoyens passent le plus de temps sur l'internet. Quarante-cinq heures par mois. Pour un Canadien sur deux, cette présence en ligne se fait à partir d'un téléphone mobile. Les réseaux sociaux explosent. Facebook, Twitter et LinkedIn multiplient les adeptes, tout particulièrement dans la tranche des 18 à 24 ans.

Les internautes sont faciles à repérer, mais on ne peut pas en dire autant de leur esprit. Les plus intensifs ont de la misère à se concentrer. Selon une étude réalisée en Californie auprès de 300 étudiants, un élève qui a à sa portée un ordinateur ou un téléphone intelligent a peine à se concentrer sur un sujet plus de trois minutes de suite. Il est sur le qui-vive, curieux de savoir ce qui se passe sur ses réseaux sociaux.

Les textos, les gazouillis et les messages sur Facebook, impatiemment attendus, stimulent la production de dopamine. La substance crée un plaisir intense et joue un rôle-clé dans les dépendances. Dix-huit jeunes Chinois qui passaient plus de 10 heures de suite par jour sur l'internet en ont produit plus que leur part. Des tests d'imagerie par résonnance magnétique ont révélé qu'ils ont subi des pertes de matière grise dans la région du cerveau où se produit le raisonnement.

Cette tendance risque de se poursuivre avec la prochaine génération. Le psychologue Clifford Nass, professeur à l'Université Stanford, a analysé 3461 fillettes de 8 à 12 ans munies de téléphones portables et de jeux vidéo. Il a constaté chez elles un ralentissement du développement social et affectif.  L'étude a par contre trouvé un antidote : les parents peuvent diminuer ces effets négatifs. Comment ? En obligeant l'enfant à prendre des pauses technologiques pour développer ses rapports sociaux.

L'importance de ralentir

Ces pauses technologiques sont cruciales. Les longues présences en ligne créent une nouvelle dynamique cérébrale. Il devient plus difficile de s'investir profondément dans un contenu, de lire de longs textes. Les sites web en tiennent compte. Les textes sont courts, écrits en gros caractères et faciles à lire. Le moteur de recherche Google est bien au fait de ces changements. L'entreprise a mis au point un algorithme qui utilise 57 variables pour cerner le profil de recherche de l'internaute. Google veut s'assurer de fournir à l'internaute des résultats en accord avec ses valeurs. La recherche n'est plus objective.

Galvanisé par la fibre optique et la multiplication d'applications de plus en plus performantes l'internet poursuit sa quête inlassable de vitesse. L'ordinateur peut accélérer, mais l'humain, lui, doit freiner. Les cellules du cerveau humain traitent l'information lentement. Il en résulte la réflexion, l'analyse, l'intuition et la création : l'avantage comparatif de l'humain sur l'ordinateur.

Aller sur l'internet et les réseaux sociaux, oui, mais sans pour autant négliger les gens qui nous entourent. Surfer, oui, mais il faut se déconnecter, prendre des pauses, regarder par la fenêtre ou aller se promener pour maintenir notre créativité.

Le président de l'Université Stanford vient de prédire la fin des salles de classe. Le jour approche, dit-il, où la technologie de communication fera en sorte que les bancs des universités ne seront plus nécessaires. Triste nouvelle. L'éducation, c'est plus que du contenu. C'est aussi l'étudiant à côté de nous, que l'on apprend à connaître. La technologie n'a jamais été aussi bonne pour transmettre le contenu. Mais là où l'humain se trouve en esprit, il doit aussi y être corps et âme.