La première fois, c'était un bel après-midi du mois de septembre où il fait encore si chaud qu'il est permis d'espérer que l'été ne nous quittera pas. Mes fils de 5 et 2 ans s'amusaient à courir derrière le chien de mes parents sur le patio de leur résidence. Il a suffi d'un faux pas dans la démarche mal assurée de mon petit bonhomme de 2 ans pour qu'il tombe tête première dans la piscine. En une fraction de seconde, j'avais extirpé ma bedaine de 30 semaines de grossesse de sa chaise et espadrilles aux pieds, j'avais sauté récupérer ma barbotte en panique.

La deuxième fois, c'était l'été dernier chez des amis. Mon même fils, maintenant affectueusement surnommé Andouille et reconnu pour sa nature gauche et maladroite, a soudainement «oublié» qu'il ne portait pas sa ceinture de flottaison et s'est élancé avec entrain dans le bassin d'eau bleue. Son père, qui se trouvait déjà dans la piscine, a rapidement secouru son baleineau en détresse. Ces deux incidents furent sans conséquence sérieuse, sinon une tasse d'eau avalée de travers et une bonne frousse pour tous, mais ils sont la preuve de la vulnérabilité de nos enfants devant le danger bien réel que représentent les bassins d'eau destinés à égayer nos courts étés.

La recommandation émise par la Société de sauvetage du Québec d'étendre l'application des nouvelles règles de sécurité aux piscines déjà existantes apparaîtra sévère à outrance pour plusieurs citoyens dont les installations ne respectent pas ces normes. Le Québec se démarque malheureusement par son aveuglement volontaire face aux décès par noyade et nous sommes tous coupables d'avoir prononcé des voeux pieux à ce chapitre.

Si la réglementation et les normes de sécurité ne peuvent jamais être trop rigoureuses, il reste que des efforts supplémentaires devraient être déployés afin d'offrir des notions de natation de base aux enfants. En 1994, j'ai étudié en Australie pendant 12 mois et j'ai pu constater les énergies investies dans la prévention, l'éducation et la formation des élèves en matière de sécurité aquatique. Dans plusieurs provinces du pays, les leçons de natation et les notions élémentaires de secourisme font partie du programme scolaire obligatoire des écoles primaires et sont enseignées dans les cours d'éducation physique. Au secondaire, plusieurs heures sont consacrées à discuter des risques associés à la baignade et à la pratique d'activités nautiques lorsque les facultés sont affaiblies par l'alcool ou les drogues. Les étudiants terminent donc leurs études avec une maîtrise de base de la natation et des règles de sécurité. Évidemment, la proximité de l'océan et le climat doux et chaud du pays des kangourous peuvent expliquer son avant-gardisme et l'ardeur investie dans ce domaine. Toutefois, la brièveté relative de l'été québécois ne devrait pas servir d'excuse à l'inertie.

Personne ne devrait avoir à vivre avec la vision du corps inanimé d'un enfant flottant à la surface de l'eau. Sachant que nul d'entre nous n'est à l'abri d'une telle tragédie, le Québec devrait s'empresser à adopter des mesures concrètes afin de renverser la tendance dans nos tristes statistiques. Comme point de départ, on pourrait offrir aux enfants, notamment ceux de familles à faibles revenus, la gratuité des cours de natation jusqu'à un certain niveau.