Les feux de joie illumineront une fois de plus le soir québécois, témoins lumineux de l'existence et des aspirations d'un peuple fier au nord de l'Amérique. Si leur éclat jettera lumière sur ce qui nous rassemble et nous renforce, leur chaleur ne pourra faire oublier les inquiétudes et les divisions qui traversent aujourd'hui le Québec.

La corruption d'une partie de l'appareil étatique est inquiétante et dérangeante. Elle semble avoir été érigée en système par un gouvernement affairiste et méprisant, menant à courte vue une braderie qui nous appauvrira de façon durable. Les effluves de métaux, de pétrole et de gaz ne seront enivrants que pour certains. Et tandis que derrière des portes closes se vend et s'achète en privé ce qui devrait relever du bien public, la rue accueille les chants et la colère de nombreuses citoyennes et citoyens.

La grève étudiante aura été un formidable révélateur, nous donnant à voir la vivacité de la jeunesse québécoise et la force des convictions qu'elle partage avec un large pan de la population. Elle aura également mis en lumière les divisions politiques menaçant la cohésion du Québec contemporain, divisions entretenues et stimulées à des fins électoralistes par des dirigeants dont la bonne foi a été sérieusement mise en doute.

Après plusieurs semaines de conflit, un fort agacement s'est exprimé, doublé d'une impatience devant ce qui aux yeux de certains a duré trop longtemps. Ce qui est agaçant, c'est la liberté prise avec les usages et le pouvoir en place. Ce qui est dérangeant, c'est l'intuition fondamentale que ce que portent et transmettent les collèges et universités appartient au peuple qui les habite. Ce qui pour quelques-uns a trop duré, c'est le refus d'une profonde démission intellectuelle, s'affichant comme pragmatique alors qu'elle défend les hiérarchies en place, l'économisme triomphant et la disparition, au profit des marchés, de la capacité d'action politique. C'est aussi cette capacité d'agir dans l'espace public que les étudiants ont revendiquée. Ce faisant, par leur persévérance et leur sérieux, par leur refus des sujétions marchandes, ils nous ont rappelé qu'il ne faudra céder ni au fatalisme, ni à l'indifférence, ni à l'intimidation.

Le conflit social que vit le Québec peut aussi déboucher sur un antagonisme délétère à l'exercice de la démocratie. Il faudra y remédier par un projet politique pertinent. Un projet offrant des solutions concrètes au problème du financement des universités et articulant une solution de rechange crédible à la politique québécoise des dernières années.

C'est sur cette promesse de changement que nous souhaitons que brillent cette nuit les feux de la Saint-Jean. À la liberté factice et désincarnée d'acheter et de vendre, nous opposerons celle de se gouverner soi-même et de revendiquer les outils pour le faire. Contre l'injustice et l'arbitraire d'un pouvoir corrompu, nous exigerons le juste partage des richesses et la défense des intérêts du plus grand nombre. Face à la division et la discorde qu'entretient en ce moment le gouvernement québécois, nous appellerons l'ensemble des Québécoises et des Québécois à se réunir derrière des principes qui l'ont historiquement constitué comme peuple: la solidarité, l'affirmation politique de son existence, le respect des libertés collectives et individuelles et le souci du bien commun. Bonne Fête nationale. Vive le Québec juste et libre !