Le projet de loi fédéral C-311, qui vient d'être adopté aux Communes, permettra à tout Canadien qui le désire de traverser les frontières provinciales en possession d'alcool, ou de mandater quelqu'un pour le faire. Autrement dit, il sera possible d'acheter du vin dans une autre province, en personne ou en ligne, et de le rapporter ou de le faire livrer chez soi, pour autant que ce soit pour consommation personnelle.

Cependant, cette loi prévoit qu'il reviendra aux provinces de décider des quantités d'alcool jugées raisonnables. La SAQ a déjà fait part de ses doléances et inquiétudes auprès du Sénat ; celles-ci sont restées lettre morte. Maintenant que le projet de loi a été adopté, le Québec, comme les autres provinces, devra s'y plier. Reste à savoir comment elle le fera.

La SAQ et le ministère des Finances tenteront de vous convaincre, dans les prochaines semaines et les prochains mois, qu'il y a dans cette législation un grand risque de pertes de revenus pour notre gouvernement. On craint la création d'une concurrence entre les vignerons du Canada et notre monopole. On craint que les gens qui vivent le long de la frontière avec l'Ontario délaissent nos succursales pour celles de la LCBO. On craint que la vente en ligne ne laisse libre cours aux mineurs qui veulent se procurer de l'alcool. Bref, on place tranquillement ses pions pour préparer les gens à une nouvelle taxation.

Or, rien de tout cela ne s'avérera et, mieux encore, la SAQ a devant elle un nouveau marché qu'elle se doit d'exploiter : le Canada. L'occasion est belle de gonfler son chiffre d'affaires en offrant son impressionnante gamme de produits à la grandeur du pays.

La SAQ n'a pas à craindre de perdre les parts de marché qu'elle possède dans vin canadien, car elles sont au demeurant médiocres : pour l'exercice financier 2011-2012, le pourcentage des 2,66 milliards $ de chiffre d'affaires de la SAQ attribuable aux vins du Canada est de 0,25% (7 millions $). De plus, les gens qui traversent déjà en Ontario pour se procurer de l'alcool ne le feront ni plus, ni moins, car ils ont toujours fait fi de ces vétustes interdits autrefois en place.

Pour ce qui est des mineurs et de l'alcool, les mécanismes de vérification d'identité déjà en place et la bonne vieille autorité parentale ne sont pas à sous-estimer.

Plutôt que d'une menace pour l'économie de la province, il faut voir la loi C-311 comme une occasion de croissance pour notre province et pour tout le pays. Une liberté commerciale qui créera une saine concurrence entre les gros marchands d'alcool provinciaux et donnera aux consommateurs un pouvoir d'achat renouvelé.

Un chien gardé en laisse qui jappe pour qu'on le détache ne s'enfuira pas nécessairement. La liberté, après tout, est une question de principe.