Dans les deux dernières années, la Grèce a subi des transformations draconiennes et expéditives afin de respecter ses engagements à l'égard de la «troïka» des créanciers. Des changements qui ont affecté la majorité des Grecs, jeunes ou vieux, éduqués ou non, riches ou pauvres. Réaction générale: «Nous ne pouvons en supporter plus.»

Les récentes élections ont marqué l'effondrement de la scène politique comme on la connaissait depuis 32 ans. Les résultats ont exprimé la frustration et l'indignation du peuple grec contre un système corrompu. Est-ce la faute des politiciens qui ont profité de leur statut? Il est bien connu que le pouvoir change le caractère des gens. Est-ce la faute de la société qui a continué à voter pour ceux-ci?

Les vrais gagnants de cette bataille futile ont clairement été la gauche radicale de Syriza et les militants du darwinisme social et de l'autoritarisme d'Aube dorée.

Les élections de dimanche prochain ne changeront rien. Il est fort probable que la crainte et l'incertitude face à l'avenir mèneront à la polarisation du public. Ce qu'on doit retenir de tout cela, c'est que la société grecque, elle, est perdue.

À l'heure actuelle, la société hellénique a du mal à rester unie dans la lutte contre sa désintégration progressive. Cette société consiste en un mélange de générations qui ont connu des expériences complètement différentes. La génération plus âgée, née entre les années 40 et 60, a vécu la Seconde Guerre mondiale, la guerre civile, l'émigration et la dictature militaire de 1967. Les gens de cette génération ont dominé la vie politique grecque des dernières décennies. Ils sont habituellement blâmés pour la perpétuation de l'échec du système bipartite associé à la malhonnêteté et la mauvaise gestion. Les jeunes les ostracisent. Ces dernières années, cette mentalité a été renforcée et se traduit par le désintérêt de la jeunesse pour la vie politique.

La jeune génération, née entre les années 60 et 90, est perçue comme les «enfants gâtés» de la société. Ayant grandi dans la 3e République et au sein de la famille européenne, cette génération éduquée est habituée à une économie florissante et à un État-providence moderne. Elle tient la démocratie et la liberté pour acquises. La crise, cependant, a révélé le visage laid du pays. Avec plus de la moitié des jeunes voués au chômage et à la pauvreté, et l'autre moitié condamnée à émigrer, il n'est pas surprenant que le coeur de l'extrême droite soit composé de jeunes Grecs.

Des incidents violents ont lieu jour et nuit dans les rues d'Athènes et d'autres villes du pays. Les immigrants se font intimider, les homosexuels sont menacés d'extermination, et les femmes sont battues comme des sacs de sable. Les politiciens, les journalistes et les universitaires disent maintenant: «Nous avons mésestimé la puissance de l'ultranationalisme en Grèce.» Incontestablement. Aujourd'hui, c'est un gang; demain, cela pourrait être une armée.

Les gens sont désorientés. Ils croient réaliser ce qui se passe, penser qu'ils sont bien informés et savoir ce qui est bon ou mauvais. En réalité, ils réagissent avec leurs émotions, en fonction de leurs craintes et de leurs espoirs...

La solution à la crise financière est liée à l'émergence d'une société rationnelle et solidaire. La démocratie n'est pas un droit, c'est un privilège que nous devons préserver.