Depuis deux jours, la France ne parle plus que du fameux gazouillis de Valérie Trierweiler, dans lequel elle soutient le député sortant et légitime de La Rochelle, Olivier Falorni, contre Ségolène Royale, parachutée là par un Parti socialiste soucieux de lui offrir une circonscription gagnée d'avance.

Tandis que certains, avides de sensationnalisme, expliquent un peu facilement sa sortie par une question de rivalité féminine, d'autres, dont le premier ministre français, évoquent un devoir de réserve ou parlent d'une faute.

Pourtant, Valérie Trierweiler n'a aucun engagement ni aucune obligation à l'égard du PS ni des Français. Elle n'a aucun devoir de réserve, car sa fonction n'a rien d'officiel. D'ailleurs, elle n'a pas de fonction. En outre, elle ne trahit aucune promesse, car elle a toujours indiqué qu'elle garderait son indépendance d'esprit si Hollande était élu.

Un des axes de campagne du PS ayant été la parité et l'égalité homme femme, on comprend mal pourquoi la compagne du président devrait maintenant devenir une potiche et se taire... La parité n'était-elle effectivement, comme l'a dit la droite, qu'un gadget électoral?

Par ailleurs, où est la faute quand on dénonce la trahison par le Parti socialiste d'un camarade fidèle et méritant, que l'on qualifie soudain de dissident parce qu'il ne cède pas au bon vouloir du président (quand on veut tuer son chien, on dit qu'il a la rage), dans le but de lui voler la circonscription qu'il a servie et fidélisée au fil des ans pour l'offrir à la mère des enfants du président? On se croirait chez Ben Ali ou chez Poutine.

Au nom de quoi l'ex-concubine du chef de l'État aurait-elle le droit de déposséder arbitrairement, avec la complicité de ce dernier, un député de sa circonscription?

N'y a-t-il au PS de droits que pour les amis proches du pouvoir ou les petits copains de l'ENA? Les députés de seconde ligne, tel Olivier Falorni, ne sont-ils que la chair à canon du PS, corvéables à merci, soumis à des consignes de vote et tout juste bons à se sacrifier pour la garde rapprochée du président?

Et que dire de ce cas flagrant de népotisme? Le PS a dénoncé pendant des années le népotisme du régime Sarkozy et, moins d'un mois après avoir pris le pouvoir, se dépêche de reprendre à son compte les mêmes pratiques. Il est infiniment plus grave de magouiller pour placer la mère des enfants du chef de l'État à la présidence de l'Assemblée nationale, quatrièeme poste de l'État, que d'essayer, comme Sarkozy, de placer son fils à la tête d'un petit établissement public comme l'EPAD.

Que dire, encore, de l'atteinte au principe républicain de séparation des pouvoirs? Est-il acceptable qu'il existe des liens aussi forts que des liens d'(ex-)concubinage entre le chef de l'exécutif et la numéro un du pouvoir législatif? A-t-on fait la Révolution en 1789 pour en arriver là?

Toutes ces pratiques de trahison, de népotisme, d'ingratitude, de vol de circonscription et de violation du principe de séparation des pouvoirs sont-elles compatibles avec les idéaux socialistes et avec les promesses du candidat Hollande? Certainement pas. Et, ces jours-ci, beaucoup de socialistes doivent être éberlués de voir des pratiques qu'ils ont dénoncées depuis cinq ans revenir en force chez ceux qu'ils ont élus et dont ils attendaient toute autre chose. Apparemment, en matière de moeurs politiques, le changement, ce n'est pas maintenant.

Lors, comment s'étonner qu'une militante socialiste de longue date comme Valérie Trierweiler, que je crois sincère dans ses convictions, se sente mal à l'aise devant le scandale de La Rochelle, devant l'OPA hostile lancée par Ségolène et le PS contre le fidèle Olivier Falorni pour le dépouiller d'un mandat qui lui revient légitimement? Comment s'étonner que cette militante socialiste use de sa liberté d'opinion et d'expression pour dénoncer des pratiques qui heurtent ses convictions? Devrait-elle, comme le suggère le premier ministre Ayrault, avaler la couleuvre et accepter l'injustice et l'iniquité comme un bon petit soldat? Et combien d'autres couleuvres après celle-là?

Valérie Treiweiler a agi en femme libre, en femme de conviction, et en femme dont les socialistes nous ont dit et redit, avant l'élection, qu'elles n'étaient pas les subalternes des hommes. Bravo pour son courage et son indépendance d'esprit!