En 1990, j'ai vécu la crise d'Oka de l'intérieur. Je ne suis pas un autochtone, mais je vivais alors dans la zone dite rouge, là où les policiers de la Sûreté du Québec n'osaient pas s'aventurer.

Pendant le premier mois de cette crise, c'était la SQ qui exerçait ou essayait d'exercer un contrôle sur le déroulement quotidien des faits et gestes des autochtones ou non. Si plusieurs policiers étaient «parlables» et respectueux des gens, certains perdaient facilement les pédales. Pourtant, c'étaient des hommes, très majoritairement, dans la trentaine, la quarantaine et la cinquantaine.

Ces policiers venaient d'un peu partout au Québec. Ils n'étaient pas habitués à vivre une telle crise nationale. Ils y avaient été encore moins entraînés. Leur boulot habituel était de faire de la patrouille, de gérer des petits conflits familiaux ou de voisins, de diriger la circulation.

D'être sous haute tension à longueur de journée, de fouiller sans cesse des véhicules, de demander des preuves d'identité à tous ceux qu'ils croyaient Mohawks, tout en étant éloignés de leur famille et privés de leurs vacances estivales, tout cela ne plaisait pas du tout à certains d'entre eux.

Puis le premier ministre d'alors, Robert Bourassa, a demandé l'intervention de l'armée. Leur arrivée a changé du jour au lendemain le climat sur le terrain. Sauf pour les officiers de haut rang, ce n'était plus à des gens de 30 ans et plus à qui nous avions affaire, mais à des jeunes dans la vingtaine. Dans leur uniforme et avec leur arme impressionnante, ces jeunes, tout comme leurs supérieurs, faisaient preuve d'un calme incroyable (rappelons-nous cette photo légendaire du soldat en face à face avec un Warrior qui l'enguirlandait!). Tous ces soldats sont bien entraînés pour affronter de telles crises. Ce n'est pas pour rien qu'on les envoie un peu partout sur la planète pour gérer des conflits beaucoup plus graves que nos petites crises québécoises.

Dans la crise étudiante, j'y retrouve la même dynamique. Des policiers du SPVM ou de la SQ, toujours nullement entraînés pour gérer des crises, mais plutôt habitués à faire le même type de boulot que ceux de la SQ en 1990, se retrouvent jour après jour à essayer de séparer le bon grain de l'ivraie.

Alors, il ne faut pas être surpris de voir des policiers dérailler et faire preuve de violence tout aussi gratuite que certains manifestants. C'est lors de telles crises qu'on peut voir les failles dans la formation de nos policiers municipaux ou provinciaux. Certains prétendent que c'est normal, lorsqu'on se fait injurier ou qu'on teste les limites de notre patience, qu'on finisse par péter les plombs à notre tour, même si on est policier. Personnellement, je n'y vois rien de normal.

En 1990, aucun soldat n'a pété les plombs, même s'ils avaient des raisons encore plus sérieuses de le faire. Sinon, ils en auraient payé le prix de la part de leurs supérieurs. Aucun état-major de l'armée ne saurait endosser des dérapages, des impatiences. Nos autorités policières, oui!

Il est assez paradoxal qu'un policier soit appelé à contrôler des individus, voire une foule, quand il est incapable de se contrôler lui-même. Pour y arriver, il faut, au départ, avoir été entraîné pour cela. Nos soldats le sont, mais pas nos policiers, et c'est là une grande lacune. De là à réclamer l'armée, il y a un pas qu'il ne faudrait pas franchir, car ce serait fort regrettable de voir le centre-ville de Montréal envahi par ces soldats, si bien formés soient-ils.

Ce qu'il faut réclamer, c'est une meilleure formation de nos policiers, un meilleur entraînement de leur patience. Ils sont là pour assurer un contrôle, non pas pour perdre le leur.