Au-delà du débat sur les droits de scolarité, le grand message du conflit intergénérationnel et social qui se manifeste depuis plus de trois mois est une contestation de l'austérité.

Cette contestation, née de l'insécurité économique et des inégalités sociales plus élevées, est d'autant plus vive que le Québec, comme ailleurs en Occident, est confronté à des perspectives de croissance économique faibles, amplifiées par le vieillissement de la population, et à un désendettement privé et public pour une période qui risque d'être longue.

On le sait, quel que soit le gouvernement au pouvoir, il ne pourra plus répondre aux attentes et aspirations des populations. Résultat: le lien de confiance entre les citoyens et le gouvernement se détériorera et la cohésion sociale en sera affectée. Nous en sommes témoins aujourd'hui, mais ce phénomène a été vécu maintes fois dans le passé à travers le globe.

En Europe aujourd'hui, mais bientôt aussi en Amérique du Nord, ce refus de l'austérité s'exprimera par une demande de maintien des revenus de chacun et des services de l'État. On résistera au remboursement d'une dette accumulée pendant des décennies, souvent par plusieurs générations précédentes, puisque le fait de la payer condamnerait les citoyens à un niveau de vie qui s'affaiblirait très longtemps. Le dilemme de la jeunesse québécoise n'est en ce sens guère différent de celui des citoyens grecs devant le poids de leur dette nationale.

Il n'y a que quatre façons de réduire les dettes privées et publiques par rapport aux revenus, qui ont atteint des sommets historiques en Occident: par une plus forte croissance économique; par l'austérité, au moyen d'une réduction radicale des dépenses, et d'une hausse des impôts dans le cas de la dette publique; par un défaut de paiement sur la dette; et finalement par l'inflation, qui permettrait de réduire le poids réel de la dette. Quelle solution choisira-t-on?

Augmenter la croissance économique intérieure sans augmenter la dette est très difficile à court terme et la demande mondiale est insuffisante pour relancer les secteurs d'exportations. Or la population n'acceptera pas le poids de l'austérité qui durera une génération, en Europe ou ici. Il ne restera donc que les deux autres méthodes pour réduire la dette.

Une restructuration de la dette est une voie possible, comme en Grèce, mais un défaut sur les dettes accumulées un peu partout dans les pays occidentaux engendrerait une dépression mondiale.

La voie la plus probable, celle qui offre le moins de résistance, c'est un mouvement de l'échiquier politique vers la gauche qui mettra éventuellement de la pression sur les banques centrales pour qu'elles financent la dette publique en achetant des obligations gouvernementales, ce qui alimentera l'inflation. François Hollande demande déjà à ce sujet une intervention plus musclée de la Banque centrale européenne. Les Grecs sont très près de révéler leur préférence pour une politique inflationniste, en quittant possiblement la zone euro - au lieu de subir 10 ans d'austérité.

Les États-Unis et le Canada n'agiront pas différemment lorsque l'austérité se fera sentir ici. Que l'on soit pour ou contre ces choix, les gouvernements démocratiques devront prendre acte de la volonté populaire qui s'exprimera, et les banques centrales subiront des pressions énormes pour financer les dettes publiques.

La remise en question du resserrement budgétaire mènera à une préférence pour l'inflation, avec une redistribution de la richesse en faveur des endettés et au détriment des épargnants, dont les économies auront un pouvoir d'achat amoindri. La jeunesse, qui comme groupe possède peu d'épargnes, sera moins affectée que les autres. Cependant, la croissance économique et le chômage à long terme seront peu reluisants dans un contexte d'inflation, ce qui provoquera une nouvelle crise sociale.

Étant donné le poids de notre dette accumulée depuis 40 ans, il n'y aura vraisemblablement pas de solution mitoyenne: le refus de l'austérité impliquera une plus forte inflation.