Le communiqué publié mercredi par le Barreau du Québec, proposant la mise en place d'une médiation entre le gouvernement et les associations étudiantes, a suscité de vives réactions dans la communauté juridique. Nous publions ici le courriel acheminé par l'avocat et ancien premier ministre du Québec, Pierre Marc Johnson. Suit la réponse faite à ces nombreuses critiques par le vice-président du Barreau, Me Nicolas Plourde.

Le communiqué du Barreau manque de force et de cohérence, il tente de ménager la chèvre et le chou.

Par son intervention tardive devant l'action de rue des étudiants et des casseurs qui s'y mêlent, le Barreau fait montre d'un manque élémentaire de compréhension de ce qu'est l'ordre public. Il saisit mal les choix à faire entre la réserve, quand elle s'impose, et l'à-propos, la pertinence et la clarté nécessaires, dans d'autres circonstances.

Ce communiqué qui vient si tard et qui est mièvre évoque de façon surprenante un équilibre entre le vote occasionnel à main levée dans des assemblées étudiantes et celui des membres de l'Assemblée nationale.

Le Barreau ne peut quand même pas apparier la démocratie des institutions à celle de l'expression sans encadrement ni garantie de respect des droits de tous dans les groupes d'intérêts, fussent-ils étudiants. Il fait aussi appel à la médiation entre l'État et un groupe privé minoritaire et apparemment sans mandat de contenus à négocier. Faut-il lui rappeler que les droits des citoyens paisibles sont violés systématiquement dans les rues de Montréal et à l'entrée d'institutions d'enseignement et que le respect des ordres de nos tribunaux est mis en échec depuis des semaines par des réflexes de rue.

L'appel à la médiation ici relève de la plus regrettable des faiblesses chez celui qui incarne par ses fonctions notre profession. Le temps est à la légitimité de l'État de s'affirmer et non pas à la dilution des droits fondamentaux par des approches improvisées et sans ancrages dans la réalité démocratique de nos institutions. Le Québec n'est pas la Syrie ou la Libye et nous n'avons pas besoin de gouvernement de salut national.

Nous avons simplement besoin d'un État de droit qui fonctionne et où les détenteurs légitimes du droit d'agir pour la collectivité sachent mettre les points sur les i quand des tensions se manifestent par le débordement du droit de manifester sur l'addition de tous les droits des autres. La démocratie ne peut jamais être tenue pour acquise. Elle est fragile et pour être maintenue et renforcée, elle exige du jugement, et parfois du courage.

Rien de honteux

NICOLAS PLOURDE

Au cours des dernières semaines, vous avez été plusieurs à réclamer une intervention du Barreau du Québec dans cette crise et c'est donc après avoir attentivement analysé la situation et mûrement réfléchi la valeur ajoutée que le Barreau pourrait apporter au débat que le comité exécutif, après consultation de ses comités consultatifs, a décidé d'intervenir. Ce n'est pas une mince tâche.

Les interventions du Barreau du Québec sont toujours motivées par un certain nombre de principes, dont la protection du public, la promotion de la primauté du droit et l'importance de maximiser les liens de confiance entre les avocats, le public et l'État. Ce sont ces valeurs qui ont guidé le Barreau dans son intervention. Je vous invite à relire attentivement le communiqué en ayant en tête ces valeurs et vous constaterez que le Barreau:

> a d'abord rappelé l'importance du respect de la primauté du droit, ce qui inclut le respect des injonctions et aussi le droit des étudiants de manifester, mais à condition que cela se fasse de manière pacifique;

> a appelé au respect mutuel de nos dirigeants dûment élus, mais aussi des leaders étudiants;

> a invité les parties à s'engager dans une médiation, afin de trouver une solution au présent conflit;

> s'est offert, une fois que la crise sera réglée, pour assister le gouvernement dans le développement d'un cadre législatif qui permettrait d'éviter qu'une telle situation se reproduise.

Ainsi, l'intervention du Barreau se résume à un appel au respect de la primauté du droit, au respect mutuel et à la médiation. Je ne vois rien de honteux dans ceci.