Pauvre vie de chien ! Je m'appelle Teddy, j'ai 4 ans, j'habite à Longueuil et je suis triste.

Oui, je suis triste, parce que depuis la semaine dernière, je ne peux plus voir mes amis. Eh non, je ne verrai plus Mme Gagnon qui, tous les jours, m'apportait des biscuits. Je ne verrai plus M. Tremblay qui, malgré son déambulateur, prenait le temps de s'arrêter pour me dire bonjour. Je ne verrai plus M. et Mme Blanchette qui habitent dans les condos avoisinants et qui me disaient à quel point ils étaient heureux d'enfin pouvoir promener leur chien dans le bel espace vert qu'est le parc Michel-Chartrand.

Selon Mme Bastien, conseillère de la Ville de Longueuil, je fais peur aux cerfs. Pourtant, je suis passé très souvent près d'eux et ils ne me regardaient même pas. Lorsqu'ils viennent manger les cèdres sur mon terrain, je jappe pour prévenir ma maîtresse. Ils me regardent pendant quelques secondes et continuent comme si je n'existais pas.

On a aussi dit à ma maîtresse que certaines personnes ne ramassent pas les excréments de leurs chiens et les laissent en liberté. Eh oui, que voulez-vous, il y a toujours des gens désobéissants, dans les parcs comme sur les routes. Malheureusement, c'est moi qui paie. Je vous souligne cependant que, depuis le mois d'août dernier, je passais deux heures par jour dans ce parc à promener ma maîtresse et j'ai vu une seule fois un excrément non ramassé et deux chiens sans laisse.

Par contre, j'ai vu des cyclistes sur des pistes pédestres, des gens nourrir les animaux, des papiers, des canettes, des vêtements et du verre cassé éparpillés un peu partout. J'ai même vu un écureuil mort depuis quelques jours sur les espaces verts près des trois lacs. Les gens qui ont fait cela ont-ils encore le droit de se promener dans le parc?

Si je pouvais au moins me promener sur l'allée pavée, à la vue des gardiens qui pourraient garder un contrôle plus soutenu sur les désobéissants, je me sentirais moins lésé.

Sur le mont Royal à Montréal, à Central Park à New York, au Jardin du Luxembourg à Paris, ma maîtresse a le droit de m'amener, mais au parc Michel-Chartrand à Longueuil, c'est maintenant défendu. Avouez que c'est triste de vivre à côté d'un si bel espace vert et de n'avoir le droit que de le regarder sans pouvoir en profiter.

Et dire qu'on m'appelle «chien de compagnie» et que souvent, on me considère comme une thérapie!

- Teddy

Andrée Bilodeau 

Il n'y a pas d'âge d'or

J'ai 68 ans. Donc, je fais partie du bel âge, comme on le prétend. Je ne m'y identifie pas du tout. Tout est mensonge, sauf, si l'on est accroc au Botox ou à la chirurgie esthétique. À télévision, je ne vois que des femmes qui n'ont pas d'âge. Qui est jeune, qui ne l'est pas, on ne sait plus. Impossible de les situer dans le temps, comme si le temps n'existait pas. Que nous a-t-on fait, à nous les femmes? À quel jeu nos vedettes acceptent-elles de jouer? Veut-on nous faire croire que la jeunesse dure éternellement? Que les rides sont une horreur et qu'il faut les faire disparaître? Même Jeannette Bertrand, cette femme admirable, s'est attaquée à tous les tabous, sauf celui-là, parce qu'elle y a recours. Cela m'afflige énormément.

J'exècre les revues mensongères. Quel message véhiculent ces adeptes de la perfection? Qu'une femme ridée, qui assume son âge, doit se cacher? Moi, ce que je veux voir, c'est la sagesse, l'acceptation des rides, des poches sous les yeux. Moi, je veux que les jeunes s'identifient à des femmes vraies, sans artifices ni Botox. Des femmes qui s'assument et à qui nous voulons ressembler. Non pas à des visages figés dans le temps. Que les médias, les revues, le cinéma nous montrent enfin des femmes qui vieillissent bien, en tout cas, qui acceptent ce qu'on ne peut changer: l'âge. Il n'y a pas d'âge d'or, seulement la vie et le temps. Pouvons-nous être seulement telles que nous sommes, à 10 ans comme à 68 ans?

Micheline Rondeau

Des policiers humains

En cette période tumultueuse, d'affrontements, de manifestations qui tournent mal, les étudiants et le gouvernement, les casseurs et la police, je tiens à témoigner d'un beau geste dont j'ai été témoin récemment au métro Berri-UQAM.

En pleine heure de pointe, je me dirigeais vers la sortie Place des Arts. À la sortie du tourniquet, je vois, assise sur un journal, ce qui me paraît une toute petite femme asiatique, qui agite la main gauche en signe de salut à tous ceux qui passent, avec des murmures incompréhensifs. Le visage est ravagé, brûlé, la peau de sa figure, la seule peau que je vois a coulé, brûlée.

J'avance vers ce corps meurtri et je vois deux policiers arriver, un homme et une femme.

Pendant que la policière sécurise l'espace environnant, le policier s'accroupit devant ce corps et joint ses mains devant elle, comme pour une prière, avec un sourire franc. Il est à la hauteur de ce reste de visage et il sourit.

J'ai ralenti ma marche, j'étais émue.

Cette pauvre femme a rabattu le capuchon de son manteau et s'est mise à pleurer, abandonnée.

Ils ont pu la conduire, sans qu'elle résiste, dans un hôpital ou un centre, parce que le policier lui avait inspiré confiance et respect, parmi des centaines d'usagers du métro qui s'empressaient de détaler vers leurs occupations.

Je ne dirai plus LA POLICE. Je parlerai de policiers.

Denise Renaud, Longueuil



Bravo Hadrien!


Aujourd'hui, mon Hadrien, tu as enfin pensé à rapporter ton portfolio à la maison. Je sais, je t'ai talonné toute la semaine, parce que j'avais hâte de voir ton bulletin. Non pas parce que les notes sont si importantes pour moi, mais parce que tu nous parles peu de ce que tu fais, de ce que tu réussis et que, à ton école, c'est le silence radio depuis le début de l'année, sauf pour nous dire que tu mémères dans la classe, que tu n'es pas rentré dans le rang en silence à la deuxième cloche de récréation, que tu es allé récupérer un ballon après la cloche, etc. Il paraît que les enseignants manquent de temps, de ressources et qu'ils doivent composer avec des classes difficiles. Alors, en plus d'être ta maman qui t'aime très fort, je vais aider un peu tes enseignants et moi, je vais te dire qu'avoir 95% en français et en mathématiques, 90% en géographie, 90% en violoncelle, etc., c'est exceptionnel!

Mais tu dois comprendre, du haut de tes 11 ans, que les enseignants sont vraiment débordés et c'est pour cette raison si, depuis le début de l'année, il n'y a aucun commentaire ni bravo dans ton bulletin. Je t'entends me dire: «Maman, pourquoi tu as dévoilé mes notes? Tu dis toujours que c'est quelque chose de personnel, qu'on ne doit pas trop se vanter de nos réussites afin de ne pas blesser les autres.» C'est vrai que je le pense, tout comme je pense que la tape dans le dos est très importante. Si j'ai décidé de te dire toute ma fierté dans un journal, c'est parce que j'aimerais rappeler aux enseignants et aux parents d'enfants sans difficulté qu'il ne faut pas négliger de souligner leurs efforts et leurs réussites. C'est primordial.

Je m'en voudrais de terminer cette lettre sans t'attribuer un 95% pour ta bonne humeur, un 99% pour ta curiosité, un 95% pour ton énergie... et un 70% pour ta chambre.

Merci, Hadrien, pour tout ce que tu es!

Claudine Vézina, Montréal



Le combat de ma mère


Ma mère fait partie de ceux qui ont toujours dû repousser leurs limites pour avoir une vie «stable». Après avoir mis quatre enfants au monde, surmonté une dépression, une grave fracture à la cheville, aujourd'hui, elle a un cancer.

Ainsi, tous les jours, elle doit faire face à des traitements de chimiothérapie et de radiothérapie. Vous devinez certainement que ceux-ci la fatiguent énormément, ce qui est un dur coup pour toute la famille. Elle qui ne pouvait s'empêcher de s'activer - telles sont les mères, n'est-ce pas? - doit maintenant se résigner à se reposer.

Puis, un autre problème a alors surgi: elle ne pouvait plus rien avaler, à l'exception de quelques bonbons. Le rêve de tous les enfants s'est en fait avéré un vrai cauchemar lorsque, après un mois seulement, ma mère avait déjà perdu 25 livres! Voyant toujours le côté positif, elle m'a répliqué : «Y a au moins un avantage dans ce cancer-là!»

Heureusement, notre entourage nous aide grandement durant cette épreuve, nous offrant divers services ou priant pour que ma mère se rétablisse. Enfin, après quelque temps de traitements intensifs, ceux-ci commencent enfin à porter leurs fruits! La taille de la tumeur rétrécit. La suite ne sera certainement pas facile, mais tout ira pour le mieux, j'en suis certaine!

Croyez-moi, une expérience comme celle-ci nous ouvre les yeux et nous permet de savourer pleinement chaque seconde que la vie nous offre. N'attendez plus, la vie est trop courte! Quant à toi, maman, ne lâche jamais! Toute la famille, tes amis et moi t'aimons et serons toujours là pour toi, dans les bons moments comme dans les mauvais. Je t'aime, maman!

Claudelle Prévost-Cormier, 15 ans