Au cours des prochains jours, le conseil de Ville de Montréal va débattre d'un amendement à apporter au règlement sur la prévention des troubles de la paix, de la sécurité et de l'ordre public.

Cet amendement, s'il était adopté, permettrait à un policier d'exiger d'un manifestant qu'il se découvre le visage. Le règlement modifié se lirait comme suit: «Il est interdit à quiconque participe ou est présent à une assemblée, un défilé ou un attroupement sur le domaine public d'avoir le visage couvert sans motif raisonnable, notamment par un foulard, une cagoule ou un masque».

La partie la plus importante de ce libellé est sans contredit les mots sans motif raisonnable. En effet, je ne connais aucun élu au conseil de Ville qui souhaiterait sans nuance interdire le port du masque. Dans un contexte festif, que ce soit la Fierté gaie, la parade du père Noël ou la Carifête, le masque sera encore permis.

Il est vrai que les policiers du SPVM auront à exercer un certain discernement entre ce qui est un motif raisonnable et ce qui ne l'est pas. Les commissaires de la commission de la sécurité publique ont préféré une ouverture à la discrétion policière plutôt qu'une prohibition totale du port du masque.

Plusieurs groupes et individus, avec pertinence et à-propos, se sont demandé pourquoi les dispositions du Code criminel ne permettent pas de s'attaquer efficacement aux casseurs et à la violence dont ils se rendent coupables. Après tout, l'article 351 (2) du Code criminel stipule: «Est coupable d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement maximal de dix ans quiconque, dans l'intention de commettre un acte criminel, a la figure couverte d'un masque ou enduite de couleur ou est autrement déguisé».

Un règlement municipal peut s'avérer plus efficace que le droit criminel pour s'attaquer à la violence et aux casseurs dont Montréal a été le théâtre. Le droit criminel est efficace lorsqu'il s'agit de faire des enquêtes de longue haleine, de recueillir de l'information et de prouver une intention criminelle. Or, pendant des manifestations où des épisodes de violence sont appréhendés, le nouveau règlement permettra de demander à des individus de se démasquer et ainsi prévenir la commission d'une éventuelle infraction criminelle. L'anonymat procuré par le masque ou la cagoule renforce le sentiment d'impunité chez les casseurs. Il s'agit d'intervenir avant la commission de l'infraction et non pas après.

Il est faux de penser que le SPVM, plus particulièrement la Division du renseignement, possède une liste des sujets identifiés comme étant des casseurs. Contrairement au crime organisé ou aux bandes de motards, le phénomène des casseurs obéit à la spontanéité, à l'absence de structure et à la non-planification, ce qui rend difficile le cumul de la preuve et du renseignement pour les organismes responsables de l'application de la loi.

Depuis le début des manifestations étudiantes en mars, il y a eu 275 événements criminels répertoriés et 479 arrestations pour manquement à un règlement municipal, or, seulement 11 personnes ont été arrêtées à deux occasions. Les casseurs échappent à la vigilance des policiers lorsqu'ils se réfugient dans la foule. Nous ne sommes pas en présence d'un même noyau d'individus qui préméditent des gestes de violence à répétition.

Le règlement demanderait aussi aux organisateurs de communiquer au service de police le lieu exact et l'itinéraire de la manifestation. Le défaut de communiquer cette information ne rendra pas la manifestation illégale, mais sera mis sur le compte de la non-collaboration.

La Cour suprême n'a cessé d'insister sur l'importance pour les tribunaux de s'appliquer à une protection jalouse de la liberté d'expression. Fracasser des vitrines, renverser des voitures de police ou faire des graffitis sur des bâtiments publics ne représentent pas un contenu expressif tel que l'a défini la Cour suprême.