En cette Semaine nationale de la santé mentale, nous pouvons affirmer qu'il existe désormais une reconnaissance sociale que la santé psychologique est une composante tout aussi essentielle que la santé physique dans le bien-être d'un individu. Néanmoins, on présume souvent que la dépression est causée par un événement malheureux de la vie; conflit, perte d'emploi, séparation, deuil. Non seulement la dépression provoquée par un événement heureux, comme une naissance, fait l'objet d'une attention plus timide, mais une aura de malaise subsiste encore à son évocation.

Mon bonheur familial, s'il est aujourd'hui réel et sincère, n'a certes pas toujours été au rendez-vous et il était définitivement et douloureusement absent au cours des deux premières années de vie de mon fils aîné.

C'est pourtant consciemment et volontairement que j'ai plongé dans l'aventure de la maternité, mais j'ai dû admettre, en cours de route, que je l'avais hautement idéalisée.

J'ai d'abord espéré accueillir sur mon ventre un petit bébé tout rose et chaud alors qu'après 16 heures de contractions, j'ai dû subir une césarienne qui s'est compliquée. J'ai pensé allaiter alors que l'épuisement physique et mental m'a dépouillée des forces et de l'énergie pour le faire. J'ai voulu m'endormir en tenant mon bébé dans la chaleur de mon étreinte alors que l'agitation le faisait hurler 20 heures sur 24. J'ai anticipé que cet enfant allait me suivre partout alors qu'il était réfractaire à tout changement de sa routine. J'avais prévu être une mère aimante, mais détachée et pragmatique alors que je me découvrais bouleversée, impliquée et émotive. J'ai rêvé d'un coup de foudre et d'une relation symbiotique avec mon bébé alors que m'attacher à lui s'est révélé être un énorme défi et que son arrivée dans ma vie, qui ne collait en rien au scénario que je m'étais construit, m'a plongée dans une profonde détresse et un immense désarroi.

Mais à travers la douleur qui m'engourdissait, je restais choyée, soutenue par un amoureux d'exception qui, lui aussi ébranlé par ce bébé aux besoins intenses, m'a laissée déverser mon fiel et mon venin sans jamais perdre foi en moi et en notre capacité de bâtir la famille dont nous avions rêvé. J'ai pu compter sur des parents aimants et aidants qui, devant ma peur de perdre les pédales, ont toujours répondu à mes appels au secours. Il y a eu des amis précieux qui ont écouté et aidé sans juger et à qui aujourd'hui, il est permis d'esquisser un sourire en coin à la vue de ma tribu et au souvenir de mon affirmation solennelle proclamant que plus jamais, je n'aurais d'enfant.

Enfin, une pédiatre sensible et futée nous a recommandés à des professionnels qui m'ont accompagnée dans le deuil de la maternité parfaite et du bébé modèle et qui nous ont permis de solidifier les assises de notre cellule familiale.

Malgré l'aide et le soutien dont j'ai bénéficié, une certaine incompréhension et une subtile incrédulité ont néanmoins persisté devant mon incapacité à moi, femme intelligente et douée de raison, à vivre harmonieusement la naissance de cet enfant, par ailleurs normalement constitué et en bonne santé.

En cette ère où le bien-être des familles semble être une priorité, il est essentiel de nous sensibiliser et de parler ouvertement de la difficile réalité et du pénible sentiment de culpabilité que vivent parfois les nouvelles mamans et réaliser que la naissance d'un enfant peut aussi causer douleur et souffrance psychologiques.

En définitive, il faut admettre que l'expérience de la maternité, tout aussi saisissante et grandiose qu'elle puisse être, ne tient du conte de fées que ce que nous en dépeint la publicité, n'en déplaise à ceux qui aiment croire que les bébés naissent dans les feuilles de choux...