J'ai occupé des postes dans différentes entreprises privées ainsi qu'au sein du gouvernement fédéral. Tous mes postes étaient syndiqués. Avant l'échéance des conventions collectives, les employés étaient consultés sur leurs propositions d'ajustement aux conventions, des discussions étaient amorcées avec les employeurs et par la suite, les propositions étaient présentées aux employés.

Dans la majorité des cas, les discussions se sont soldées positivement pour les deux parties, sans nécessité de la part des employés d'exercer des moyens de pression. Dans la fonction publique fédérale, la même mécanique s'est appliquée au niveau des discussions avant l'échéance des conventions, et souvent après. Devant la position fermée du gouvernement fédéral sur certains points, les employés ont choisi de manifester publiquement leur désaccord. Toutes ces manifestations se sont déroulées pacifiquement et le choix des non-manifestants était respecté. Nous avons accepté l'issue des négociations, même si l'une s'est soldée par une loi spéciale du gouvernement. Notre engagement envers les services que nous devions rendre à la population a vite pris le dessus.

Dans la crise étudiante actuelle, la phase initiale de discussion entre les parties concernées a été évacuée. Bien que l'augmentation des droits de scolarité ait été annoncée en mars 2011, les étudiants ont attendu l'application de l'augmentation pour réagir. Et ils ont immédiatement choisi de mettre en branle les manifestations avant d'entamer un processus de discussion avec le gouvernement.

Même si je reconnais que ce dernier a mis du temps à réagir, je peux comprendre également qu'il ne s'attendait pas à une telle réaction des étudiants, surtout s'ils n'avaient pas démontré d'intérêt à discuter de leurs revendications avant l'application de la hausse des droits de scolarité. Les étudiants ont plutôt choisi de prendre immédiatement le public à témoin de leurs demandes. Ils ont ainsi fait porter le poids de leurs revendications sur tous les citoyens, au lieu d'accepter leur responsabilité d'initier eux-mêmes des discussions avant la mise en oeuvre de l'augmentation.

Je ne peux que trouver la situation actuelle désolante, surtout qu'elle donne place à des débordements qui auraient pu être évités. À l'instar de milliers de citoyens, je me sens littéralement prise en otage par un certain pourcentage de la population qui n'a pas jugé convenables les étapes à suivre dans le cadre d'une négociation.

Cette attitude ne me laisse pas du tout confiante pour l'avenir. N'oublions pas que ces étudiants sont nos futurs dirigeants, gestionnaires et professionnels de demain. S'ils choisissent aujourd'hui d'attaquer avant de discuter, ils auront de la difficulté à inspirer le respect.