La lutte des étudiants pour la gratuité ou la demi-gratuité de l'université pose une question beaucoup plus large de choix de société.

Que l'université soit un service public, tout comme l'école, la garderie, l'hôpital, la prison ou la caserne des pompiers, personne ne le conteste. Un service public est une activité prise en charge par l'État ou l'administration publique dans un but d'intérêt général. Les caractéristiques essentielles d'un tel service sont l'accessibilité, la continuité (fonctionnement sans défaillance) et l'intégrité. Or l'accessibilité ne signifie pas nécessairement la gratuité intégrale; certains services sont soumis à un régime de demi-gratuité, voire de quasi-gratuité. Il y a là un choix politique qui dépendra de nombreuses contingences, dont notre capacité collective de payer.

Quand on scrute le financement de l'ensemble des services offerts à une population, on se rend compte, par exemple, que si l'hôpital public est gratuit, les centres hospitaliers de longue durée (CHSLD) ne le sont pas. Si l'école maternelle est gratuite, les garderies ne le sont pas. Si les soins médicaux sont gratuits, les soins dentaires ne le sont pas. Si l'accès au domaine public est largement gratuit, il peut y avoir des droits d'accès ou frais de séjour dans certains parcs ou territoires. Si le transport scolaire est gratuit, le transport adapté est quasi gratuit, mais les transports en commun ne le sont pas.

La gratuité n'est pas une panacée.

Dans un grand nombre de domaines, un régime de demi-gratuité s'impose en ce sens que l'administration publique exigera une contribution raisonnable à l'utilisateur. Cette contribution est une proportion variable du coût de revient du service. Le gouvernement a la difficile tâche de voir au financement de l'ensemble des services publics et de répartir de façon équitable le fardeau financier.

Est-ce parce que les étudiants descendent dans la rue, pratiquent ce qu'il appellent «la démocratie directe» que la gouvernement doit céder à ce que certains romantiques ont appelé «le pouvoir de la rue» ? Si les parents descendaient dans la rue pour la gratuité des garderies, si les chaises roulantes des CHSLD en faisant autant, si les malades réclamaient la gratuité des médicaments, si les 500 000 assistés sociaux voulaient négocier, que ferait le gouvernement? Je le plains!

Ceux qui réclament la gratuité pour les services publics devraient se rappeler que la dette du Québec s'approche des 250 milliards$ et continue de croître, le nombre de travailleurs diminue proportionnellement aux retraités, les demandes en soins de santé augmentent de façon exponentielle.

Le gouvernement investit actuellement 29 242$ par étudiant universitaire, et ce dernier paie 2168$ en droits de scolarité, soit 7% de la facture (12,7% des revenus totaux des universités). Portés à 3946$ dans sept ans, cela fera 12% (16,9% des revenus totaux). Et ceux qui paient 93% (87% dans sept ans) n'auraient rien à négocier?

Tout se négocie-t-il dans une société organisée? Élit-on un gouvernement pour gouverner ou pour négocier avec «la rue» ? Avec qui le gouvernement aurait-il dû négocier le plan de financement des universités et leur gestion? C'est une question pertinente, mais qui déborde de beaucoup celle des droits de scolarité.

Ce gouvernement vient de faire une proposition globale sur l'accessibilité financière qui avantagera vraiment les familles gagnant moins de 72 000$, car ce sont les riches qui assumeront le fardeau de l'augmentation. Mesure antisociale d'un gouvernement qui néglige la classe moyenne? Leaders étudiants, ouvrez-vous les yeux!