Le député conservateur Stephen Woodworth a présenté aux Communes une motion qui propose la création d'un comité spécial pour réfléchir sur le statut juridique du foetus. Pendant que les militants pro-vie applaudissent, certains se demandent si le gouvernement cherche à ramener la criminalisation de l'avortement à son agenda.

Comme biologiste, je trouve toujours grossier d'entendre des hommes d'un certain âge militer ouvertement pour le contrôle de ce qui se passe dans l'utérus des femmes. Il faut dire que cette volonté masculine ne date pas d'aujourd'hui. Après la découverte du spermatozoïde par le Hollandais Antoni Van Leeuwenhoek en 1677, même les penseurs les plus respectés de l'époque croyaient que la femme n'apportait aucune contribution dans la formation du foetus. Le spermatozoïde était schématiquement représenté avec un petit être humain accroupi dans sa tête. Le corps de la femme, considéré comme un pot de fleurs, ne servait qu'à faire pousser ce petit germe masculin. Il a fallu attendre 1887 pour que deux scientifiques, Oscar Hertwig et Herman Fol, mettent en doute cette suprématie des hommes en démontrant que le foetus résultait de la fusion entre un spermatozoïde et un ovule.

Plus de deux siècles après cette découverte, la lutte des femmes pour leur émancipation sexuelle trouve encore de la résistance à Ottawa. Pourtant, un homme qui s'insurge contre l'avortement, c'est un peu comme un Noir qui peste contre le bronzage. Dans les deux cas, la crédibilité fait défaut.

Les mâles qui peuvent parler d'avortement sans se tirer dans le pied sont très rares dans le monde animal. Les manchots couvent précieusement un oeuf dans la froidure antarctique pendant que les femelles, au large, glanent de la pitance sous des climats moins hostiles. Je peux donc logiquement comprendre qu'un manchot dise à sa femelle: «Je pense que tu ne devrais pas avorter cet oeuf ma chérie, parce que c'est moi qui vais le couver et m'occuper du poussin cet hiver».

Chez les mammifères que nous sommes, il existe une petite chauve-souris de Malaisie appelée dyacoptère, dont les mâles allaitent les petits et pourraient aussi légalement condamner l'avortement de leur partenaire. Mais, pour l'homme, qui n'a aucun rôle actif dans ces entreprises périlleuses que sont la grossesse, l'accouchement et l'allaitement, la discrétion devrait être la règle sacrée et inviolable.

Si les hommes pro-vie avaient expérimenté une seule fois les douleurs d'un accouchement, ils arrêteraient de polluer visuellement notre environnement avec leurs pancartes au design douteux.

Vouloir reconnaître un foetus comme un humain soulève des questions presque insurmontables. À tous les niveaux de son développement, le foetus est entièrement dépendant de la nourriture maternelle. Lui accorder des droits équivaudrait à demander à la mère de surveiller son alimentation pour ne pas aller en prison.

Si, par exemple, la future maman avorte accidentellement après avoir été contaminée par un sushi ou un fromage au lait cru, devra-t-elle répondre de cet acte devant la justice? Si la maman avorte de jumeaux, sera-t-elle accusée d'un double meurtre? Si l'enfant vient au monde avec un syndrome d'alcoolisation foetal, pourra-t-il ultérieurement poursuivre sa mère? Si la fécondation de l'ovule par le spermatozoïde est reconnue comme étant le début de la vie, l'utilisation de la pilule du lendemain sera-t-elle considérée comme un suicide assisté? Si la maman circule sur le trottoir, se fait frapper par un cycliste et fait une fausse couche, le coursier à vélo serait-il accusé d'homicide involontaire? Si le foetus a des droits parce qu'il est potentiellement capable d'engendrer un humain, faudrait-il donner les mêmes droits aux cellules souches qui ont le même potentiel génétique?

Voilà, M. Woodworth, les questions que je voudrais soumettre au comité dont vous proposez la création pour réfléchir sur le statut juridique du foetus.