J'ai récemment décidé de m'engager dans une action qui n'est pas typique de ma personne, puisque celle-ci implique de parler à beaucoup de gens, de les sensibiliser, de les solliciter et d'être, malgré ma grande timidité, sous le feu des projecteurs.

Non, rassurez-vous, je ne parle pas de politique, mais bien du Défi têtes rasées de Leucan. Personnellement, le plus difficile dans tout ça me semblait être le côté social, de devoir approcher les gens et de parler d'une cause qui, bien qu'elle me touche vraiment, reste quand même assez loin de mon quotidien.

Perdre mes cheveux, qui font maintenant 50 cm, se trouvait être la partie la plus bénigne de l'histoire. J'ai donc retroussé mes manches, pris mon courage à deux mains et me suis transformée en personne charismatique afin d'aborder mon entourage. Et moi, naïve, qui m'imaginais bénéficier d'une immunité diplomatique puisque j'allais me faire raser les cheveux «pour une bonne cause» et que j'allais expliquer qu'il s'agissait d'un acte de «solidarité envers les enfants qui ne choisissent pas de perdre leurs cheveux», j'ai été franchement déçue.

Je ne peux pas dire que je suis déçue du petit nombre de dons que j'ai reçus, puisque je ne m'attendais pas à grand-chose, étant issue d'un milieu qui n'est pas particulièrement aisé, mais plutôt par la réaction des gens.

Les premières personnes à qui j'ai annoncé ma participation à ce défi ont eu l'air d'un choeur grec qui venait d'apprendre la trahison de Dalila envers Samson. Je ne me suis jamais vraiment soucié de l'opinion des gens par rapport à mon apparence. Mais je dois avouer que de me faire clairement dire que je serais laide les cheveux rasés a légèrement froissé, non pas la femme en moi, mais l'empathique profonde que je suis.

Voyez-vous, me dire que je serais laide, c'est comme dire à tous ces enfants que j'essaie de défendre: «Toi aussi t'es lette, mais on peut pas te le dire, parce que t'es rien qu'un enfant, pis en plus, t'as le cancer».

Bien que je cumule maintenant multitude d'encouragements de gens qui appuient mon geste, j'accumule aussi les critiques, étonnamment nombreuses, de ceux qui ne veulent pas m'encourager. En plus, ils essaient de me dissuader en me disant, mot pour mot, qu'ils ne me donneraient de l'argent que si je gardais mes cheveux, car, sans eux, je ne serais «pas belle».

À ces derniers, je dis: mais qu'est-ce que mon esthétique peut bien vous faire? Vous ne comprenez donc pas la notion de sacrifice? Que vous ne donniez rien, je m'en fiche, je ne suis pas là pour tordre des bras, mais au moins, essayez de comprendre le geste. Et là, seulement là, je comprends vraiment pourquoi je relève ce défi.

Le Défi têtes rasées, ce n'est pas qu'une campagne de souscription jusqu'au jour d'une tonte de groupe. On ne pourra jamais convaincre tout le monde de donner, ni même leur faire comprendre la portée du geste.

Se faire raser les cheveux, ce n'est pas que le sacrifice d'une poignée de poils, mais c'est aussi le «après». Un après qui va durer des mois, où l'on va se faire poser des questions et maintes fois se faire critiquer, malgré les bonnes intentions.

Et c'est là, avec le temps, que je crois qu'on devient de vrais défenseurs de la cause, avec une bonne connaissance du sujet et, par-dessus tout, avec les mots justes pour faire simplement comprendre, sans demander.