Voici deux textes de lecteurs qui illustrent le fossé entre les générations en marge du conflit étudiant.

Où est le respect de l'autorité?

Jacques Leclerc

L'auteur est conférencier et globe-trotter.


Je suis peut-être trop vieux, à 65 ans, on va me traiter de vieux  «mononcle», mais quand j'étais petit, mes parents m'ont appris le respect de l'autorité.

Si parfois, j'étais envoyé au bureau du directeur d'école, je savais que j'étais en face d'une autorité supérieure et que la récréation était terminée. Si la direction de l'école me retournait à la maison pour impolitesse ou insubordination, mes parents me ramenaient à l'école par les oreilles pour offrir mes excuses aux professeurs.

Aujourd'hui, quand un élève est retourné à la maison pour insubordination, le parent retourne à l'école avec son enfant, mais pour insulter la direction de l'école et même parfois les menacer.

Dans mon temps, quand un jeune était interpellé par la police, il savait qu'il devait répondre de ses actes.  Notre génération savait qu'on ne désobéit pas à une injonction, c'est un ordre de la cour de justice et la police n'est là tout simplement que pour faire respecter un ordre de la cour. S'il y a des gens qui sentent que l'injonction est injuste, ils n'ont qu'à la contester devant cette même cour de justice. En fait, nos tribunaux et la police sont le rempart entre la démocratie et l'anarchie.

Vous n'êtes pas satisfait de votre gouvernement? Il y des élections à tous les quatre ou cinq ans pour le jeter dehors. (Je serai curieux de savoir combien parmi les contestataires, incluant les profs, sont allé voter à la dernière élection) Non je ne suis pas un libéral, non je n'ai pas voté pour Jean Charest, je n'attends que les prochaines élections pour lui enlever « le volant ». En attendant, on a des lois et un gouvernement chargé de les faire appliquer.  Tous les adultes et surtout les professeurs qui sont dans la rue et défient les injonctions sont à mes yeux  des irresponsables.

Dans mon temps, les jeunes pouvaient compter sur la sagesse des plus vieux et le sens des responsabilités des enseignants. Aujourd'hui,  les profs (surtout des universités et cégeps) incitent les élèves à désobéir. Voilà un bel exemple d'autorité? Voilà pourquoi nos jeunes ne respectent plus rien, ni les injonctions, ni la police, ni les autorités ni même leurs professeurs.

J'irais jusqu'à dire qu'au Québec, on  a créé le monstre qui est aujourd'hui dans la rue, masqué et irrespectueux du bien public. À la limite, on est collectivement responsable de ce monstre en abdiquant devant nos jeunes. Ils ne connaissent pas ce qu'est un NON. Ce n'est pas tous les jeunes du Québec (plusieurs ont voté contre la grève) mais une forte majorité de nos adolescents ne sont pas habitués à se faire dire NON.  On leur a tout donné, trop donné, mais nous, les vieux «mononcles», on sait très bien que ce n'est pas ça la vrai vie.

Après avoir travaillé fort, très fort, pendant 50 ans, à quelques mois de ma retraite, il y a des groupes de pressions d'inspiration socialiste et maoïste qui veulent me faire croire qu'on peut tout obtenir sans de réels efforts, on n'a qu'à demander à nos gouvernements et l'argent tombera du ciel? Ces jeunes leaders étudiants «syndicaleux», qui ont tous un agenda caché, tentent de nous faire croire que c'est pour le bien des Québécois et des générations futures. Ils  mentent et dans leur folie socialiste des années 70, sont prêts à faire perdre une session scolaire à des jeunes étudiants plus matures qui ne demandent qu'une chose : finir leurs études et réussir dans la vie.

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On ne paiera pas la «juste part» de vos erreurs

Sepanta Sedghi-Lessard

L'auteure est une étudiante de Sherbrooke.

Je suis ce que plusieurs d'entre vous appellent un « enfant roi ». Une étudiante trop souvent stéréotypée avec son iPhone, ses fringues griffées et sa paire de Ray Ban. Une universitaire qui se permet une bière de temps en temps sur une terrasse, en bonne compagnie.

J'ai hérité du superbe royaume qu'est le Québec. Royaume où, aujourd'hui, la dette s'élève à plus de 250 milliards de dollars. Royaume où l'environnement, l'éducation et la culture ne sont pas des enjeux assez importants pour le futur collectif. Royaume où notre génération sera la plus taxée de son histoire, où les baby-boomers seront bientôt tous retraités et où notre génération aura un revenu imposé proportionnellement à cette réalité.

Vous voulez que je paie ma juste part parce que je ne sors de ma poche que 17% de ce que coûte ma facture universitaire. Vous scandez des propos haineux à mon égard et à l'égard de mes congénères, leaders de demain, parce qu'on se bat juste pour une couple de piasses, parce qu'on est juste des kids, parce qu'on sait pas c'est quoi « la vraie vie ». C'est quoi, la juste part? C'est quoi, la vraie vie? N'êtes-vous pas fatigués de jouer la carte du Joe Connaissant, du martyr au midi de la vie?

Moi et ma gang de « radicaux aux cocktails Molotov » ne voulons pas payer la « juste part » de vos erreurs. Nous croyons que toute personne, riche ou moins riche, devrait avoir le droit de s'instruire. Notre idéologie est très pro équité sociale, que ça vous plaise ou non. Dans notre royaume québécois parfait, personne ne dirait : « J'aimerais tellement aller à l'université pour avoir une meilleure éducation, une belle carrière et au bout du compte, une meilleure qualité de vie. Malheureusement, je n'ai pas les moyens. 4700$ par année, c'est trop. »

Saint-Exupéry disait que nous n'héritons pas de la terre de nos ancêtres, nous l'empruntons à nos enfants. Quel choix faisons-nous en tant que société quand nous signons le nom de nos enfants sur nos hypothèques? Quand nous les blâmons pour notre incompétence? Quand nous leur crions que nous en faisons déjà trop et que notre fardeau, c'est à leur tour de le porter? Madame, monsieur, avez-vous pigé dans la tirelire de votre enfant quand vous vous êtes acheté cette magnifique Benz et que vous n'aviez plus de quoi payer la facture Bell?

Certains d'entre vous diront que c'est de l'entraide. Moi je vous répondrai que c'est de la lâcheté. Vous êtes lâches de nous dire qu'on ne veut pas payer plus, qu'on devrait payer plus. Je vous promets que dès que l'argent manquera réellement quelque part et que le sort de notre nation en dépendra, nous serons les premiers à nous lever et à verser de l'argent là où il le faut.

Par contre, nous ne voulons pas payer pour un gouvernement corrompu. Nous ne voulons pas sortir des billets inexistants de nos poches et les verser dans des universités non pas sous financées, mais mal financées. Non, c'est non. On refuse de se faire prendre pour des cons.

Le gouvernement libéral de Charest doit l'avoir compris, depuis le temps. Pourtant, il s'entête à creuser un plus grand fossé entre les biens nantis et les moins nantis. Il s'adonne à un darwinisme social déplorable et il ose nous dire que c'est pour le bien des coffres de nos universités. Précisons aussi que ce gouvernement a le plus haut taux d'insatisfaction de l'histoire de la province. On parle beaucoup de l'augmentation de 75% du coût de la facture universitaire, mais parlons-nous du taux d'insatisfaction du gouvernement se chiffrant à 73%? Pourquoi marcher derrière cet homme qui a le mandat de représenter notre nation, mais qui n'écoute pas les cris de sa population?

Qui sera le plus en mesure de redresser cette société? Vous? Non. C'est l'étudiant hippie, acharné, qui en a marre de piqueter, mais qui le fait pour une cause qu'il sait juste. Il veut qu'on l'écoute. Il veut que vous compreniez qu'il pose ses actes pour les bonnes raisons, pas pour les mauvaises. Il veut que vous ouvriez les yeux et l'esprit et que vous voyiez qu'il y a une magnifique génération de jeunes derrière vous, qu'ils déplacent des montagnes, qu'ils poursuivent leurs idéaux contre vents et marées et ce, pour un avenir plus beau, plus droit.

L'heure est venue. Il est temps de définir ce qui nous coûtera le plus cher : le savoir ou l'incompétence. Avons-nous besoin d'une génération de médecins, d'ingénieurs, de psychologues et d'avocats, ou d'une génération remplie de personnes qui ont à peine un secondaire 5? Voulons-nous des chercheurs dans les labos ou des blogueurs dans nos journaux? Des cerveaux dans nos hôpitaux ou des idiots dans des gradins? Des professionnels dans tous les domaines ou des gérants d'estrades?

L'éducation est la solution à (presque) tous les problèmes, et la matière première de l'éducation, c'est la relève. Nous sommes la plus importante matière première du Québec. Ce ne sont pas l'hydroélectricité, les sables bitumineux ou le gaz de schiste. C'est la relève. C'est nous.