Le premier tour de l'élection présidentielle française aura été un référendum contre Nicolas Sarkozy.

Il est tout de même rare qu'un président sortant qui n'a pas commis pendant son mandat, d'erreur politique majeure ou impardonnable, ne parvienne pas à atteindre un tiers des voix, alors même qu'il ne se présentait contre lui aucun autre candidat dissident de la droite modérée.

Ses partisans ont immédiatement attribué à la crise économique la raison première de cet échec. Certes, dans toute l'Europe occidentale, en dehors de la Pologne, tous les candidats sortants, depuis 2008, ont été évincés et remplacés par le parti opposé, mais aucun n'a subi pareil affront. C'est donc la personne, le style Sarkozy qui ont été désavoués par l'immense majorité des électeurs français.

Sarkozy est sans conteste victime de lui-même: élu brillamment il y a cinq ans sur le programme de réformes le plus libéral qui jamais ne fut offert aux Français, il n' a pas appliqué ce programme (on pense aux 35 heures toujours présentes et à l'inflexibilité du marché du travail), ce qui a mécontenté les libéraux et les antilibéraux puisque les réformes n'ont pas été accomplies, mais que la crainte de ces réformes a subsisté. Ne pas faire ce pourquoi on a été élu est une promesse de débâcle électorale.

Ce refus de Sarkozy bénéficie à ceux qui, de tradition, lui sont le plus radicalement hostiles, communistes, trotskistes, anticapitalistes, qui rejouent le mélodrame de la révolution de 1789 et les réactionnaires, issus de la même mémoire, le Front national épicé de la rhétorique anti-immigration.

Ces mouvements additionnés se partagent les électeurs dans un refus commun du régime démocratique, de l'économie libérale et de la rationalité économique: ensemble, ils y substituent des mythes et constituent un front du refus énorme, sans équivalent dans les autres démocraties occidentales, soit un tiers des Français. Certes, ces refuzniks de la démocratie libérale, porteurs de piques, bonnets phrygiens et écologistes profonds se reclasseront sagement au second tour pour l'essentiel derrière le candidat socialiste et pour partie, par réflexe anticommuniste - derrière Nicolas Sarkozy.

Il n'empêche que chez tous, la rancoeur du premier tour restera intacte et qu'ils sauront dans l'avenir se manifester par la grève et autres mouvements sociaux de manière à rendre difficiles voire impossibles les réformes rationnelles qu'exigerait la faillite imminente des finances publiques.

Cette faillite, il reviendra à François Hollande, vainqueur par défaut au premier tour et vainqueur probable du second tour, de la gérer. Le Non à Sarkozy du premier tour deviendra, le 6 mai, un «Moui» sans ferveur mais inévitable pour Hollande.

Comment Hollande, mandaté mais guère porté par une vague enthousiaste et sans programme, saura-t-il rendre l'État français opérationnel et moins prédateur tout en restaurant l'esprit de compétition des entrepreneurs? L'avantage pour Hollande sera de n'avoir rien promis en dehors de ne pas être Sarkozy. Mais a-t-il pensé la forme de l'État futur? Ce n'est pas certain: ce qui laisse présager un troisième tour douloureux, dans la rue ou sur les marchés financiers, ces grands électeurs ultimes.

L'auteur est un économiste et essayiste réputé en France.