Dans les années 60, plusieurs associations étudiantes et partisanes ont adopté nombre de propositions promouvant la gratuité scolaire à tous les niveaux. J'ai moi-même participé très activement à ces démarches que nous jugions importantes dans l'évolution de la société québécoise vers un idéal qui comportait alors une multitude de volets.

Ces divers combats n'ont pas été vains. Je regarde ce que le Québec est devenu aujourd'hui et je me dis que beaucoup a été accompli, dans plusieurs domaines d'activité humaine dont le succès économique, le progrès démocratique et l'extraordinaire créativité culturelle ne sont pas les moindres.

Il ne faut pas s'attendre à ce que les étudiants d'aujourd'hui se «pètent les bretelles» avec ce qu'une génération d'un autre siècle a accompli. Ils commencent leur vie citoyenne avec un actif, notre legs. Qu'ils soient en quête de progression n'a rien d'étonnant. Le contraire serait tellement désolant pour notre avenir sociétal.

Mais le pendule a atteint son apogée pour certains types de progrès. Nul ne peut nier que la vie a maintenant des contraintes qui n'existaient pas il y a une décennie: les problèmes économiques structurels, la crise financière qui n'en finit pas, le déclin dramatique de la population que ma génération a provoqué, les risques pour le bien-être des aînés qui s'ensuivent.

La société productrice de richesse au Québec et ses gouvernants sont à bout de souffle. Le gouvernement fédéral sabre dans le financement des entreprises culturelles, nous n'avons plus les moyens de franciser nos immigrants et de les intégrer. L'heure des choix difficiles a sonné depuis longtemps. Ce n'est pas vrai que notre société acceptera que la classe étudiante soit la seule épargnée.

Il n'appartient pas aux étudiants de déterminer ce qui est possible et de faire les choix de société. Cette responsabilité incombe au gouvernement du Québec et à personne d'autre. L'actuel gouvernement ne fait qu'assumer une responsabilité sociétale difficile à promouvoir, parce que le projet est un recul. Tous les intervenants avertis sont unanimes à reconnaître son inéluctabilité.

Devant ce moindre mal choisi, la population du Québec et les partis d'opposition pourraient faire montre d'un peu plus de solidarité plutôt que de se retrancher dans un mutisme réprobateur du vandalisme et des tergiversations que seule l'absence de responsabilités explique.

L'attrait des feux médiatiques enivre manifestement les dirigeants étudiants. Comment pourrait-il en être autrement? Ils sont si intelligents, tellement beaux, si habiles stratèges. Le temps est venu d'y mettre un terme.

Les professeurs qui soutiennent les étudiants dans leur combat sont payés à ne rien faire avec nos taxes qui financent leur désobéissance sociale. Les cégeps et universités nous coûtent autant en paralysie qu'en opération. Il y a maintenant plus de deux mois que cela dure. Ça suffit! Il est temps de mettre le poing sur la table et de placer les étudiants qui refusent les récentes ouvertures gouvernementales au dialogue devant la perspective de l'annulation de la session ou d'accepter de renoncer à leur objectif principal, pour le moment.

L'ensemble des citoyens en a ras-le-bol de cette contestation qui verse dans l'anarchie. Qui croit que le gouvernement du Québec acceptera de perdre sa crédibilité institutionnelle en cédant à ce stade du conflit? C'est irréaliste. Ce n'est pas souhaitable. Ce serait éminemment néfaste, car tous les groupes de pression puissants se croiraient légitimés de profiter de sa faiblesse avérée à la face du monde.

La ministre Beauchamp doit tenir. Le gouvernement du Québec doit l'appuyer jusqu'au bout. Et chacun doit s'interroger à savoir s'il est prêt à vivre les conséquences d'un échec.