Dans son budget déposé aujourd'hui, le gouvernement fédéral annoncera possiblement une réforme importante de son régime de prestations de la vieillesse. Celle qui a été évoquée au cours des dernières semaines consiste en une augmentation de 65 à 67 ans de l'âge auquel les aînés deviennent admissibles à la sécurité de la vieillesse (SV) et au supplément de revenu garanti (SRG).

Les prestations de SV sont versées à tous les Canadiens de 65 ans et plus ayant résidé au Canada durant au moins 10 ans durant leur vie adulte. La pleine prestation est de 6481$ en 2012 et est réduite progressivement si le revenu net est supérieur à 69 562$. Les prestations de SRG sont versées aux personnes recevant la SV et dont les autres sources de revenus sont faibles. La prestation en 2012 est de 8788$ pour les célibataires et de 11 655$ pour les couples, et diminue rapidement selon le revenu.

À l'échelle canadienne, une augmentation de l'âge minimum d'admissibilité ferait chuter de 3,66 milliards en 2012, de 9,26 milliards en 2020, et de 8,24 milliards en 2030 (en dollars de 2012) le coût des prestations de SV et de SRG. Ces chutes seraient cependant partiellement annulées par une diminution d'environ 1 milliard de l'impôt fédéral prélevé sur les prestations, ce qui ramènerait le gain fédéral à 7,21 milliards en 2030. Nette de la réduction des impôts fédéraux, la réforme ferait chuter en 2030 les pensions de vieillesse de 3,1% du PIB à l'équivalent de 2,8% du PIB (d'un niveau initial de 2,4% en 2012).

La réforme aurait des impacts collatéraux négatifs sur les provinces, des effets peu documentés au cours des dernières semaines. Les dépenses provinciales en aide sociale augmenteraient puisque, ne pouvant plus toucher de pensions fédérales, une partie de la population de 65 et de 66 ans deviendrait prestataire de l'aide sociale. Également, l'impôt provincial sur le revenu des particuliers chuterait en raison de la baisse du niveau des prestations fédérales.

Les dépenses du Québec en aide sociale augmenteraient respectivement de 70 millions en 2012, 60 millions en 2020 et de 50 millions en 2030 (en dollars de 2012). Le Québec perdrait environ 90 millions (2012), 160 millions (2020) et 270 millions (2030) en impôt sur le revenu. À l'échelle canadienne, environ 20% des économies fédérales se traduiraient en coûts additionnels pour les provinces.

L'effet le plus important d'une telle réforme des prestations fédérales de la vieillesse serait probablement sur le niveau de vie des aînés de 65 et de 66 ans. La hausse des prestations d'aide sociale ne compenserait en effet que partiellement la chute de la SV et du SRG. En utilisant la mesure du panier de consommation comme seuil de pauvreté, le taux de pauvreté chez les aînés de 65 et 66 ans augmenterait de 4% à 24,8% en 2020 si la réforme était mise en place en 2020; il augmenterait de 5,9% à 29,8% si elle était mise en oeuvre en 2012.

Ces estimations sont obtenues en supposant que les comportements de travail et d'épargne des Canadiens ne seraient pas affectés par cette réforme. Il est probable qu'un certain nombre de travailleurs travailleraient plus longtemps et épargneraient davantage pour compenser les effets d'une telle réforme sur leur revenu. Il faudrait toutefois que ces changements de comportement soient substantiels pour qu'ils puissent amoindrir significativement les effets directs sur la pauvreté des aînés.