Quand les frères Harold, Harvey, Sidney et Ian Greenberg ont fondé Angreen Photo inc., gestionnaire de la concession du service photo dans les magasins Miracle Mart, personne n'aurait cru un instant qu'ils pourraient vendre leur entreprise, Astral, pour le montant fabuleux de près de 3 milliards$ 51 ans plus tard.

Cette belle réussite démontre néanmoins que l'archaïque système de radiodiffusion canadien instauré par le gouvernemaman fédéral peut «créer» de toutes pièces des gagnants.

Sans enlever le mérite à ces entrepreneurs, force est d'admettre que le système de radiodiffusion canadien, en restreignent sévèrement la propriété étrangère d'entreprises de radiodiffusion canadiennes et la distribution au Canada de canaux de télévision payante et spécialisée américains, a privilégié l'éclosion d'un «Canada inc.» des communications et d'une série de canaux canadiens tels The Movie Network qui, du moins au début, ont répliqué en large partie les canaux américains bloqués, comme Home Box Office, Cinemax et Showtime.

Ces canaux canadiens diffusent de la programmation canadienne, mais avouons que la différence entre HBO et The Movie Network, pour le commun des téléspectateurs, est assez ténue... Les frères Greenberg, avec leur habile bras droit André Bureau, ont su tirer leur épingle du jeu en se drapant de l'unifolié et en jouant la carte nationaliste du «Canada inc.», celle de la protection de la souveraineté culturelle et de l'identité nationale, pour obtenir ces licences de radiodiffusion. Et, comme on le voit aujourd'hui, grand bien leur fit.

Ma famille ayant elle-même bénéficié de la sécurité accordée par le doux cocon protecteur tissé par le CRTC contre les méchants Américains, je ne peux sûrement pas m'en plaindre! Ne riez pas, car au Québec, nous avons la même peur xénophobe que les Canadiens: rappelons-nous que l'État québécois a repoussé, par un investissement de la Caisse télécommandé par Bernard Landry, le méchant Ontarien Rogers qui voulait acheter Vidéotron. En passant, la valeur de ce placement a fondu de près d'un milliard (environ 30%) ...

Alors même que la transaction avec BCE était divulguée, le gouvernement Harper annonçait qu'il allait lever certaines restrictions sur la propriété étrangère pour les petites entreprises de télécommunications. Les conservateurs (peut-être grâce au leadership de Maxime Bernier lors de son passage comme ministre de l'Industrie) semblent avoir compris que l'argument à l'effet que les compagnies qui installent des fils téléphoniques de cuivre ou de fibre optique ou des tours de transmission de téléphonie cellulaire doivent être de propriété canadienne pour maintenir et valoriser l'identité nationale et la souveraineté culturelle ne tient pas la route.

Cette nouvelle pourrait déplaire aux actionnaires du «Canada inc.» des télécommunications, habitant le même douillet cocon que les radiodiffuseurs. Mais il faut saluer cette initiative qui pourrait permettre de voir entrer au Canada les Verizon, AT&T ou Telefonica de ce monde au profit des consommateurs canadiens qui pourront bénéficier d'une salutaire dose de concurrence et d'émulation sur le marché canadien des télécommunications.

Éventuellement, le web (grâce, par exemple, à des distributeurs comme Netflix ou Apple TV) libérera le consommateur et lui permettra de triompher de la réglementation féodale du CRTC qui l'infantilise en lui dictant quels canaux il peut regarder et qui peut être propriétaires de ces canaux.

Qui sait, les frères Greenberg ont peut-être vu ce qui s'en venait dans leur boule de cristal et vendu au bon moment...