L'économie américaine performe mieux que l'économie canadienne depuis l'été dernier, un scénario qui tranche avec le contexte observé depuis 2007. Ce constat diverge également des préceptes post-crise financière qui nourrissent les perceptions d'invincibilité canadienne et de désarroi américain.

La publication des plus récentes données sur l'emploi met effectivement en relief ce revirement de tendance. Le nombre d'emplois s'est accru de 1 205 000 (+0,9%) depuis six mois aux États-Unis comparativement à l'ajout de seulement 17 200 emplois (+0,1%) au Canada. Depuis le début de 2012, il s'est créé 511 000 emplois au sud de la frontière contre une perte de 500 emplois au Canada.

Bien que le taux de chômage reste encore plus bas au Canada (7,4% versus 8,3% aux États-Unis), la variation des six derniers mois favorise nos voisins (hausse de 0,1% au Canada contre une baisse de 0,8% aux É-U). On arrive à la même conclusion en analysant le rythme de croissance des ventes au détail.

Plusieurs facteurs laissent présager la poursuite de cet avantage américain au cours des prochains mois. D'une part, les attentes envers l'économie canadienne sont plus élevées, car le pays a bien traversé la crise de 2008. Également, les perspectives d'austérité budgétaire et la vulnérabilité d'un secteur immobilier surchauffé représentent une menace pour les dépenses des ménages.

L'ampleur du ralentissement économique en Chine influencera aussi le prix des ressources naturelles et un atterrissage en «douleur» ferait chuter la valeur des exportations de ressources. Finalement, la vigueur du dollar canadien étouffe déjà le secteur manufacturier et heurte les marges bénéficiaires des sociétés.

La situation est loin d'être sans faille aux États-Unis alors que les mesures d'austérité post-élections freineront le rythme de croisière l'an prochain. Toutefois, au niveau des anticipations, le potentiel de surprise positive y demeure plus élevé alors que le pays se remet péniblement de la Grande Récession. Également, certains signaux encourageants laissent présager un retour lent et graduel de l'immobilier résidentiel. Qui plus est, les ventes de véhicules automobiles se rapprochent de leur niveau pré-2008 et la confiance des ménages est actuellement stimulée par des perspectives d'emploi qui s'améliorent.

Finalement, la faiblesse du billet vert profite aux exportations, oxygène un secteur manufacturier qui se réinvente, et gonfle les profits des sociétés. La remontée des prix du pétrole demeure toutefois un écueil important qui indispose les Américains et qui pourrait nuire aux chances de réélection de Barack Obama.

Cet avantage américain se veut évidemment relatif puisque le contexte de croissance reste décevant des deux côtés de la frontière. S'il se poursuit, ce changement de leadership influencera le comportement des actifs et mérite d'être incorporé aux décisions liées à la composition des portefeuilles. L'indice phare du S&P500 (+2,2% en devise canadienne) a battu le TSX (-11,1%) en 2011 et, quoique plus modeste, la surperformance américaine se poursuit depuis le début de 2012 (+3% en devise canadienne). Un contenu plus élevé en actions américaines pourrait donc s'avérer profitable encore cette année.

La Banque du Canada pourrait quant à elle adoucir le ton et reporter toute hausse de taux d'intérêt à très tard en 2013. Le huard oscille aux environs de la parité depuis plusieurs mois et il serait surprenant d'assister à une forte envolée. Sur le plan des finances publiques, le Canada détient encore l'avantage et son avance n'est pas menacée.

Dans l'univers financier, l'important est de se concentrer sur ce qui va mieux ou moins bien, et non sur ce qui va bien ou mal. Tout est question de perception et d'anticipation. Dans ce contexte, la perte de vitesse de l'économie canadienne est à surveiller, tout comme son potentiel de déception. La tendance actuelle pourrait se renverser plus tard en 2012, mais pour l'instant, l'aigle américain survole le castor.