D'origine chinoise, j'ai grandi à Verdun et étudié en français toute ma vie. Comme plusieurs autres «immigrants de deuxième génération» et «enfants de la loi 101», je suis une Québécoise qui a autant à coeur la protection de la langue française que l'intégration professionnelle et sociale des immigrants.

Je veux dénoncer les stratégies de promotion de la langue française menées la semaine dernière à Verdun par l'animateur radio Benoît Dutrizac et des militants des Jeunes patriotes du Québec. En manifestant devant les dépanneurs et les petits commerces des personnes issues de l'immigration, souhaitent-ils réellement encourager ces derniers à apprendre le français? Croyaient-ils sincèrement qu'à la suite de leurs actions, les immigrants se rueront à l'école pour apprendre le français ? Et surtout, quels étaient les impacts recherchés, sinon que de choquer pour polariser davantage les immigrants, incluant les mieux intégrés, et les Québécois canadiens français?

L'intégration des immigrants n'est pas instantanée. C'est plutôt un processus. Quelques générations, c'est le temps que cela prend pour qu'une famille en vienne à adopter le français comme langue de vie. Aujourd'hui, mon grand-père réussit à prononcer quelques phrases complètes dans la langue de Molière, mon père travaille en français, et moi, je le parle couramment et le défend fièrement.

Pour toutes ces raisons, je trouve insultant et incohérent de condamner des immigrants qui travaillent humblement dans un dépanneur et dont les enfants étudient en français. Je trouve paradoxal d'accuser les immigrants de ne pas s'intégrer et du même coup, déclencher une guerre contre ces derniers pour qu'ils s'intègrent. C'est tout aussi absurde que lorsqu'on me demande si j'ai été adoptée par une famille francophone après m'avoir félicité pour mon bon français, comme s'il s'agissait de la seule manière pour une personne d'origine asiatique d'apprendre cette langue.

La cause du français au Québec, aussi noble soit-elle, doit être menée avec tolérance et respect. Des manifestations comme celles menées la fin de semaine dernière doivent être dénoncées car ces actions laissent croire que le dialogue et la cohabitation entre la majorité francophone, les immigrants et les minorités ne sont plus possibles. Et tant et aussi longtemps que cette vision mensongère de l'intégration fera carburer nos tribunes médiatiques, les tensions entre le «nous» et le «eux» continueront à s'intensifier et à se radicaliser. Le Québec a-t-il vraiment besoin de nouvelles divisions pour avancer?