Le traitement médiatique de la question du suicide ces derniers temps est de nature à susciter une certaine inquiétude face à la prévention de ce phénomène. À Suicide Action Montréal, un organisme voué à la prévention du suicide depuis plus de 25 ans, nous sommes d'avis que les médias doivent faire preuve de plus de retenue dans leur couverture de ces tristes événements.

Historiquement, les médias ont couvert certains événements qui ont marqué l'actualité québécoise. On se rappelle, avec tristesse, le suicide du journaliste Gaëtan Girouard. Les conséquences de la couverture du suicide de M. Girouard ont été regrettables pour le Québec. En effet, une étude faite en 2005 par Michel Tousignant, en collaboration avec le Centre de recherche et d'intervention sur le suicide et l'euthanasie (CRISE) a démontré que la couverture médiatique de ce suicide a eu un effet d'entraînement indéniable. Durant cette décennie, le total des décès par suicide se situait entre 1200 et 1300 par année. Alors qu'en 1999, après le décès de M. Girouard, ce nombre est passé à 1600. Cette étude indique que 300 des 1600 suicides commis durant l'année 1999 avaient un lien direct avec la médiatisation du décès de M. Girouard. De plus, la ligne prévention suicide (1-866-277-3553) a géré une augmentation de 200% d'appels durant les quatre jours suivant le décès du journaliste.

À la suite d'une réflexion en lien avec cet événement, nous avons observé un traitement beaucoup plus responsable de la part des médias. Depuis quelques années, les professionnels de l'information semblaient plus conscients des risques reliés au traitement de l'information concernant les suicides.

Nous constatons cependant un retour marqué du traitement inadéquat du suicide dans l'actualité des derniers mois. Avec la couverture récente du suicide de Marjorie Raymond, où l'accent a été mis sur la publication de détails (moyen utilisé, lettre d'adieu, etc.), et la médiatisation démesurée des propos regrettables tenus par le sénateur Pierre-Hugues Boisvenu, nous souhaitons ramener le traitement médiatique vers la réalisation des reportages dits «sensibles» à la prévention du suicide. Ce type de reportages sauve des vies tout en permettant d'informer le public.

Dans un guide «Les médias et le suicide» publié par The Presswize Trust, les conseils suivants sont proposés:

Éviter des titres, images et langages sensationnels ainsi que la publication des détails; éviter également la spéculation, surtout concernant les «célébrités»; expliquer que le suicide est un phénomène complexe lié à la santé mentale.

Il est également recommandé d'informer la population sur les ressources disponibles en prévention du suicide tel que le 1-866-277-3553 qui donne accès a des ressources compétentes dans toutes les régions du Québec. Ce guide est disponible sur le site de Suicide Action Montréal www.suicideactionmontreal.org sous l'onglet documentation.

Si les efforts en prévention du suicide ont obtenu des résultats intéressants ces dernières années, c'est notamment parce que les médias ont su faire preuve de discernement dans la façon de couvrir ce phénomène. Le suicide continue néanmoins d'être un fléau au Québec et nous devons tout mettre en oeuvre pour le prévenir.