Le scandale des commandites aura eu comme résultat heureux de nettoyer en bonne partie les moeurs politiques au Québec en divulguant ce qui peut être considéré comme des alliances inacceptables entre politiciens et gens d'affaires, principalement du monde publicitaire.

Il aura cependant eu d'autres résultats plutôt malheureux en ce sens qu'aujourd'hui, plus personne n'ose sortir des sentiers battus au cas où quelqu'un quelque part y trouverait à redire. La mode est qu'il faut laver plus blanc que blanc.

À titre d'exemple, je sais pertinemment que plusieurs dirigeants de la SAQ n'osent plus voyager à l'extérieur du pays de peur que... je ne sais trop quoi. Pourtant, quand presque 99% des vins que vous vendez proviennent d'autres pays, il est dans la normalité des choses d'aller voir comment ça se passe dans les pays producteurs.

Le même phénomène existe à Loto-Québec. Plus personne n'ose faire quoi que ce soit, même si cela signifie la perte d'informations pertinentes et nécessaires dans la façon de bien gérer une Société d'État au quotidien.

Le dernier exemple en ce sens concerne Michael Sabia, le PDG de la Caisse de dépôt, qui a osé aller chez les Desmarais à leur domaine de Sagard. C'est immédiatement devenu un crime de lèse-majesté. Pourquoi y est-il allé? Qu'avait-il en tête? De quoi a-t-il parlé? Comment peut valoir un tel voyage?

Évidemment, dans toutes ces critiques, on oublie l'essentiel. Les Desmarais ont été parmi les premiers à tisser des liens étroits avec l'Europe et la Chine. Dans ce dernier pays, ils ont établi des liens politiques et économiques bien avant l'ouverture manifestée par la Chine vis-à-vis la libéralisation du commerce. Ils sont d'ailleurs reconnus à travers le monde comme des gens d'affaires qui savent comment les Chinois pensent et réagissent lorsqu'ils négocient.

Pourquoi alors le PDG de notre bas de laine québécois n'aurait-il pas le droit d'aller discuter avec les Desmarais pour en connaître un peu plus sur leurs stratégies à succès? N'y a-t-il pas là quelque chose qui puisse nous être utile? Pourtant, on tire à boulets rouges sur Michael Sabia parce qu'il a osé faire ce qu'il est dans sa responsabilité de faire.

Sagard n'est pas un hôtel, mais bien une résidence privée, si luxueuse soit-elle. Et les Desmarais ont le loisir d'y inviter qui ils veulent, quand ils veulent. Et les invités, fussent-ils des amis ou des relations d'affaires, devraient pouvoir accepter une telle invitation sans pour autant qu'on les accuse de manquer d'éthique. On ne demande quand même pas aux dirigeants de sociétés d'État d'entrer au monastère et de faire voeux de pauvreté.

Ce phénomène de critiquer à peu près tout pour un rien est en voie de devenir une béquille pour toutes les sociétés d'État au Québec parce qu'on préfère ne rien faire plutôt que se faire critiquer. Et plus une société d'État a du succès, plus on essaie de la démolir ou de lui trouver des «bibittes».

Cette démesure se retrouve maintenant aussi ailleurs que dans les sociétés d'État. À titre d'exemple, plusieurs entreprises privées n'osent plus offrir de billets de hockey ou autres avantages souvent anodins de peur de se faire accuser de vouloir influencer certaines personnes. D'autres n'osent plus en accepter pour des raisons similaires.

Il est peut-être temps de respirer un peu plus par le nez et de recommencer à oser dans les sociétés d'État et les entreprises. Pour cela, il faut cesser de voir des scandales partout.