Plus l'humain évolue technologiquement et plus le monde social dans lequel il grandit rétrécit. Constat paradoxal dans une époque où chacun a un téléphone cellulaire à la main et dans lequel un adolescent de 12 ans peut se vanter d'avoir 347 amis... En effet, la planète Terre, tellement vaste et inaccessible hier, est aujourd'hui si petite qu'elle tient dans une poche de pantalon.

Avec des moyens de transport nous permettant de prendre le thé avec un cousin français en moins de 6 heures, mais également grâce aux télécommunications facilitant l'amitié aux 1000 coins de la planète, le monde physique n'a jamais été aussi accessible, aussi exigu, et donc ouvert aux rapprochements humains. La distance qui séparait de façon naturelle les individus étant désormais effacée par le progrès technologique, il est fascinant de constater à quel point ce même progrès enfonce aujourd'hui l'humanité dans un isolement sans pareil.

Étant enseignant au secondaire, je suis quotidiennement affligé par ces jeunes vivant leur relation à distance, s'embrassant par courriel, faisant la guerre par texto et voulant sauver le monde en signant des pétitions en ligne.

Oui, ces jeunes de 15-16 ans prétendent avoir des centaines d'amis avec lesquels ils partagent leurs états d'âme au quotidien (que dis-je, à la minute près). Mais à quand remonte la dernière fois qu'ils ont passé du temps de qualité avec ces complices virtuels, à discuter yeux dans les yeux sur un banc de parc ou à partager une bûche sur le coin d'un feu de camp? À voir l'attachement émotionnel disproportionné que ces jeunes ont envers leur téléphone et leurs amitiés virtuelles, comment ne pas parler de problématique sociale?

Si cet enjeu se limitait uniquement aux jeunes assis présentement dans mes classes, j'en ferais fi - les grincheux comme moi ont toujours eu quelque chose à reprocher à la génération précédant la leur. En outre, ce qui m'attriste davantage est la propagation de ce fléau dans l'ensemble de la société contemporaine.

Je parle ici de mononcle Marcel, le baby-boomer de 59 ans, qui s'est récemment acheté un iPad et qui ne le quitte pas des yeux au party de Noël pendant l'échange de cadeaux. Je parle aussi du jeune cousin de 22 ans qui s'est payé un téléphone intelligent et qui prend maladivement ses courriels à chaque pause du match de hockey. Je parle également de cet ami dans la trentaine qui n'est pas capable de suivre la conversation lors d'une soirée de boys parce qu'il reçoit des textos de sa nouvelle petite amie aux 30 secondes...

Je ne suis pas contre le progrès, loin de là. Passant moi-même beaucoup trop de temps devant mon ordinateur et sur l'internet, je tente par contre de limiter cette dépendance technologique lorsque je suis entouré des miens. Sans déraper dans les méandres de la simplicité volontaire et de la lutte contre l'évolution, je crois profondément que notre société devrait réfléchir au fossé social que cette dernière creuse petit à petit à l'aide de ces merveilleux outils technologiques que sont les téléphones intelligents, lecteurs audio et autres bidules informatiques qui rendent toujours plus obsolètes et ardues les relations humaines.

Une visite à un ami vaut davantage qu'un courriel envoyé avec empressement d'un ordinateur portable; un repas avec ses parents vaut plusieurs fois un coup de téléphone de courtoisie le dimanche soir; une soirée à boire du bon vin avec les gens qu'on aime vaut tellement mieux qu'une mise à jour de ses alcools préférés sur sa page Facebook. Bref, pourquoi ne pas tenter d'épouser ce qui nous distingue de l'animal: le tangible et l'amour des relations humaines?