Dans les dernières semaines, nous avons assisté à plusieurs charges émotives face à l'unilinguisme anglophone de certains cadres touchant le secteur financier et bancaire

Puis, ce fut l'hystérie sportive provoquée par l'unilinguisme de l'entraîneur du Canadien. Il n'y a pas de doute que le Québec doive toujours rester vigilant vis-à-vis le maintien du français comme langue de travail devant l'énorme environnement nord-américain anglophone ou anglophile avec lequel nous interagissons. Devons-nous, par ailleurs, sacrifier autant d'énergie devant des situations somme toute anecdotiques?

Permettez que l'on fournisse des éléments nettement plus probants sur l'importance réelle du français au Québec comme langue de travail.

Des données intéressantes concernent les nouveaux diplômés de niveaux collégial et universitaire. Il s'agit des données de l'enquête de suivi réalisée par Statistique Canada en 2005 auprès des diplômés de 2000. Ceci permet d'avoir une idée sur la situation des diplômés cinq ans après l'obtention de leur diplôme. On y retrouve 5000 diplômés qui occupent un emploi rémunéré au Québec. Ces travailleurs représentent des compétences certaines dans l'économie du Québec dans toutes les sphères d'activité, et indispensables pour l'édification d'une économie du savoir, novatrice et productive. Dans cette enquête, les anglophones comme les allophones sont largement représentés.

Deux questions adressées aux travailleurs rémunérés se rapportent à la langue le plus souvent utilisée dans l'emploi et, s'il y a lieu, les autres langues régulièrement utilisées. Nous avons trouvé pour le Québec que le pourcentage de diplômés utilisant le français le plus souvent dans l'emploi est de 81,4%. Le pourcentage de diplômés utilisant l'anglais le plus souvent est de 18,1%. Par ailleurs, 14,2% des diplômés utilisent l'anglais le plus souvent et le français régulièrement dans leur emploi.

Donc, au total, près de 96% des diplômés postsecondaires utilisent le français dans leur emploi au Québec (81,4% comme langue principale et 14,2% comme deuxième langue). Ce résultat conforte les données du recensement de 2006, qui montrent que 95% de tous les travailleurs du Québec utilisent le français au travail (87,7% souvent et 7,4% régulièrement).

Notons aussi que 78,5% des diplômés anglophones utilisent le français souvent ou régulièrement dans leur emploi. Ce pourcentage est de 46,9% chez les francophones pour ce qui est de l'utilisation de l'anglais.

Ensuite, nous avons expliqué les déterminants du salaire horaire des diplômés avec plusieurs variables de contrôle comme le niveau d'études, la profession, l'industrie, l'âge, le sexe, le statut d'immigrant, certaines conditions d'emploi (surqualification, temps plein, et travail permanent) et évidemment la langue utilisée dans leur emploi.

Par rapport aux diplômés qui utilisent uniquement le français (sans anglais) dans leur emploi, ceux qui utilisent le français souvent et l'anglais régulièrement gagnent 5,2% de plus; ceux qui utilisent l'anglais souvent et le français régulièrement gagnent 5,5% de plus. Ceux qui utilisent l'anglais souvent sans le français gagnent 3,6% de plus, mais cet écart n'est pas statistiquement significatif relativement au groupe de référence, i.e. ceux utilisant le français uniquement. Ces résultats soutiennent d'autres études sur la rentabilité du bilinguisme utilisant des données plus générales que celles des nouveaux diplômés postsecondaires issus du système québécois d'éducation.

En bref, 96% des jeunes diplômés du système québécois utilisent le français au Québec dans leur travail. De plus, être bilingue au Québec est très payant. Le Québec a grandement besoin de compétences dans tous les milieux: financier, médical, culturel, sportif... À cet égard, notre système d'éducation joue son rôle et comme l'indiquent les données, il supporte grandement l'utilisation de la langue française dans l'emploi.

D'une façon plus générale, restons ouverts à accueillir les travailleurs qualifiés et laissons-leur la chance de découvrir notre langue. Ceux qui ne pourront ou ne voudront le faire se pénaliseront eux-mêmes sans mettre en cause notre survie comme nation francophone.