C'était écrit: bien encadrée par le pouvoir et méprisée par l'opposition, la mission de la Ligue arabe en Syrie visant à faire cesser les violences est un échec. À tel point d'ailleurs que le riche et influent émir de Qatar appelle maintenant à une intervention militaire pour «arrêter la tuerie».

La Ligue arabe n'a jamais rien fait d'utile. En 1979, elle a même suspendu l'Égypte pendant 10 ans parce que ce pays avait osé signer la paix avec Israël. Elle a été incapable d'éviter une guerre criminelle américaine contre l'Irak en 2003 et encore moins d'empêcher le président soudanais, aujourd'hui inculpé par la Cour pénale internationale, de massacrer son peuple au Darfour.

Les dirigeants arabes - véritables propriétaires de ces pays - qui siègent à la Ligue tremblent à la moindre manifestation de rue. Ils veulent conserver leur pouvoir et sont prêts à tout pour y arriver. Ébranlés par le Printemps arabe où plusieurs de leurs collègues tortionnaires ont été balayés, ils ont accepté en novembre dernier avec beaucoup de réticence l'envoi d'une mission de paix en Syrie.

La mission a pour objectif d'observer la situation et de faciliter la cessation des violences, la libération de détenus, le retrait de l'armée des villes et la libre circulation dans le pays des observateurs arabes et de la presse.

Le chef de la mission, un général soudanais ami du président inculpé par la CPI, avait affirmé le 26 décembre pouvoir dire en une semaine si toutes les parties - le régime de Damas et l'opposition - respectaient le mandat de la mission. Il y a 10 jours, le général a déposé un premier rapport, et la Ligue arabe, visiblement satisfaite «des progrès», a décidé la poursuite et le renforcement de la mission.

Malheureusement pour elle, tout dérape depuis. De 20 à 40 personnes sont tuées quotidiennement en Syrie, et les journalistes étrangers sont devenus des cibles. Des observateurs ont claqué la porte en déclarant qu'ils «pensaient servir le régime syrien (...) et lui donner une plus grande chance de continuer à tuer.»

Pendant ce temps, sur la scène diplomatique internationale, disons charitablement que c'est le cirque. Vendredi dernier, le chef de la Ligue arabe a affirmé redouter une «guerre civile» en Syrie tout en déclarant sans rire qu'«il n'y a assurément aucun doute que le rythme des morts violentes a baissé grâce à la présence des observateurs», contredisant un haut responsable de l'ONU qui affirmait exactement le contraire devant le Conseil de sécurité.

Samedi, les États-Unis accusaient l'Iran de vendre des armes à la Syrie alors qu'un navire russe mettait le cap sur la Syrie et que Moscou promettait de maintenir ses ventes. Enfin, dimanche, l'émir du Qatar, n'attendant même pas le dépôt jeudi d'un autre rapport de la mission et un nouveau sommet arabe dimanche, s'est dit favorable à l'envoi de troupes arabes en Syrie afin de mettre fin à la tuerie. Le scénario libyen, appuyé et financé par le Qatar, serait-il maintenant sur les rails?

Après 40 ans de tyrannie, le régime syrien n'a que ce qu'il mérite, même si on ne peut écarter la main de puissances occidentales dans le déroulement de la révolte actuelle. Ce régime va tomber, c'est certain, mais comment? La Ligue arabe n'y jouera aucun rôle tant elle est discréditée. Une intervention militaire étrangère est une lubie.

Alors les Syriens, du moins ceux opposés au régime, devront lutter ferme. Et selon le premier général syrien à avoir rompu avec le régime, «il faudra encore plus d'un an pour renverser le président en raison de la loyauté et du suréquipement de membres du clan» au pouvoir. On n'a pas fini d'entendre parler de la Syrie.