Par ses baisses de taxes et impôts, Ottawa a créé un important déficit structurel en surestimant la croissance économique.    

Le ministre des Finances, Jim Flaherty, a annoncé la semaine dernière que le gouvernement fédéral allait devoir couper ses dépenses de programmes non pas de 4, mais de 8 milliards de dollars pour retourner à l'équilibre budgétaire en 2014-2015. Ces compressions additionnelles permettraient de respecter la promesse électorale du Parti conservateur sur l'élimination du déficit.

La raison principale qu'il donne pour justifier le besoin de procéder à des coupes additionnelles est le ralentissement de la croissance économique. Ce motif est techniquement fondé: une croissance économique plus faible réduira les revenus futurs du gouvernement fédéral, repoussera l'élimination du déficit budgétaire et augmentera davantage le niveau de la dette du gouvernement fédéral.

Il y a cependant une autre façon d'expliquer pourquoi il faut tant réduire les dépenses. Depuis que le gouvernement Harper a été élu pour la première fois en janvier 2006, il a accordé de nombreuses réductions de taxes et impôts. On a qu'à penser à la réduction de deux points de pourcentage de la TPS et à la réduction des impôts sur les sociétés.

Selon la dernière mise à jour du ministère des Finances, le ratio des revenus du gouvernement au PIB va passer de 0,162 lors de l'exercice 2005-2006 à 0,147 lors de l'exercice 2014-2015. Compte tenu de la prévision d'un PIB nominal de 2020 milliards de dollars en 2015, cette baisse du ratio des revenus en proportion du PIB fera chuter les revenus annuels de 30 milliards cette année-là.

Les nombreuses réductions de taxes et impôts ont transformé le surplus structurel de près de 15 milliards enregistré en 2005-2006 en un déficit structurel d'au moins 15 milliards. Les récentes estimations de l'OCDE prévoient un écart encore plus élevé du solde structurel. Sur une période de neuf ans, de 2006-2007 à 2014-2015, le cumul des baisses de revenus représente un montant de 170 milliards, qui aurait même permis d'éviter une augmentation de la dette fédérale durant cette période.

Par ses nombreuses baisses de taxes et impôts, le gouvernement fédéral a non seulement réduit l'important surplus structurel qu'il avait, mais il a aussi créé un important déficit structurel. La forte croissance économique qu'il avait prévu ne s'est pas matérialisée. La crise financière et la récession qui a suivi ont grugé ses revenus.

Maintenant, il fait face à une reprise plus lente qu'il ne l'avait estimé au premier semestre. Pour réaliser son objectif d'un solde budgétaire nul en 2014-2015, il devra couper deux fois plus qu'il ne l'avait dit. Ceci aura pour effet de ralentir encore plus la croissance. C'est un mauvais timing pour mettre en place une politique budgétaire plus restrictive.

La nécessité de doubler les compressions pour retourner à l'équilibre budgétaire reflète une gestion qui est marquée par un manque de prudence et qui a trop misé sur l'absence de chocs majeurs négatifs et sur les effets positifs des baisses de taxes et d'impôts sur le PIB.

Le gouvernement Harper a commis la même erreur que les trois derniers présidents républicains des États-Unis (Ronald Reagan et George Bush père et fils). De plus, il a significativement réduit la marge de manoeuvre pour réagir à des chocs négatifs sans une augmentation de la dette.

D'un autre côté, le désir de procéder rapidement à des coupes additionnelles est également cohérent avec la stratégie de réduire significativement la taille du gouvernement fédéral en suivant les trois étapes suivantes: baisse de taxes et impôts, création d'un déficit budgétaire et réduction de dépenses pour retourner à l'équilibre budgétaire.

Dans un tel contexte, les réductions de dépenses ne doivent pas être justifiées par l'existence du déficit budgétaire, comme le fait présentement le gouvernement, mais par le désir de réduire la taille du gouvernement.