En santé, il est impératif de créer un environnement qui récompense l'innovation et une «expérience patient» positive.

Les Canadiens consacrent beaucoup d'argent à la santé: il n'y a que quatre pays qui ont des dépenses de santé par habitant plus élevées que le nôtre. La répartition de ces dépenses entre le secteur public et privé est proche de ce que l'on observe ailleurs dans l'OCDE. La santé de la population est relativement bonne et continue à s'améliorer.

Malgré tous nos efforts, c'est aussi chez nous que les citoyens sont parmi les plus insatisfaits du système de soins et plus susceptibles de souffrir de problèmes d'accès, de coordination ou même d'obstacles liés à des questions de coût. La fragmentation de l'offre publique, des incitatifs mal placés, le manque d'émulation et une gestion beaucoup trop contraignante expliquent cette sous-performance relative et la difficulté à obtenir des résultats à la hauteur de nos investissements.

L'assurance maladie canadienne a été élaborée au cours de la deuxième moitié du siècle dernier, autour d'une définition restreinte au domaine médico-hospitalier, massivement couvert par les fonds publics, laissant le reste des services requis au paiement direct des citoyens ou couverts par l'assurance privée. Ce modèle a peu évolué. C'est ce déséquilibre qui explique aujourd'hui la réponse inadéquate aux nouveaux défis de santé (soins à domicile et soutien aux gens atteints de maladies comme l'Alzheimer) et le fait qu'en moyenne, les Canadiens déboursent plus de façon privée que ne le font la plupart des Européens.

Pourtant, ceux-ci vivent avec un système médical mixte, l'assurance complémentaire et les tickets modérateurs. Dans ces pays, aussi attachés que nous à l'universalité et à la justice sociale, on a fait le choix de couvrir une variété beaucoup plus large de services, mais de façon plus flexible. Il est permis d'en retirer quelques idées, toutes réalisables dans notre cadre législatif actuel.

Nos établissements sont encore largement financés de façon globale et sur la base de budgets historiques. Seule la chirurgie reçoit un financement relié aux activités. Il faut étendre ce mode de financement à une plus grande variété de situations et le Québec a, ici, une belle contribution à faire.

Nous avons bâti un réseau qui permet la prise en compte de tout le continuum de soins et de facteurs tels que l'état de santé de la population desservie, la ruralité, les missions universitaires. Il serait possible de rétablir l'équilibre de la couverture publique et mieux soutenir les soins à domicile par un usage plus grand des mécanismes de co-paiement basés sur le revenu.

Il est illusoire de prétendre maintenir le système de soins à l'écart de déterminants tels que le besoin d'incitatifs ou de compétition. Plutôt que de les nier, il faut les canaliser vers l'intérêt du plus grand nombre. À l'État de déterminer ce qu'il paiera pour certains services, au citoyen de choisir les plus performants, publics ou privés.

Pour ce qui est de l'influence politique, c'est dans notre espace démocratique que doivent se débattre le financement, les grandes orientations, l'évaluation des résultats. Cependant, on peut entrevoir que la gestion quotidienne du réseau pourrait être laissée à un organisme distinct, sans but lucratif, dans lequel coexisteraient les administrateurs et les professionnels.

Il est impératif de créer un environnement qui récompense l'innovation, l'efficience, la qualité des résultats et une «expérience patient» positive. Le seul ajout d'argent dans un environnement rigide, fermé à l'émulation ne nous mènera pas à la destination souhaitée.