Le déplacement de l'économie vers l'ouest du pays fait naître le rêve d'un nouveau Canada.

En 1980, l'imposition du programme énergétique national par les libéraux de Pierre Elliott Trudeau a marqué profondément la culture politique de l'Alberta, créant un sentiment de méfiance bien ancré envers les programmes nationaux. De nos jours, cependant, les Albertains mènent la charge en ce qui a trait à la mise sur pied de nouveaux projets nationaux.

La nouvelle première ministre de l'Alberta, Alison Redford, est un porte-étendard articulé et vigoureux pour une stratégie énergétique nationale. L'enthousiasme des leaders d'opinion de la province pour de nouveaux projets nationaux se reflète même dans une stratégie axée sur la région Asie-Pacifique, une stratégie axée vers le nord et une perspective continentale de l'énergie.

Les barrières psychologiques des dernières décennies s'effondrent, permettant ainsi aux Albertains de caresser l'idée d'un leadership national. Les grands projets passés de développement de la nation, tels le chemin de fer pancanadien, l'autoroute transcanadienne, le gazoduc TransCanada et la voie maritime du Saint-Laurent, sont couramment cités en exemple comme modèles pour le futur. Il s'agit tous de projets nationaux qui ont ouvert de nouveaux marchés aux marchandises et ressources canadiennes, tout comme l'a permis l'accord de libre-échange avec les États-Unis.

Ce changement drastique de sentiment et de direction peut s'expliquer en partie par le fait que l'ouest du Canada, dont l'Alberta, est sur une lancée. La démographie du pays, ainsi que son centre de gravité économique, et maintenant le pouvoir politique, se déplacent vers l'ouest. Les marchés des ressources sont en santé, à l'exception des marchés du gaz, et de grandes attentes sont placées dans les économies en pleine expansion de l'Asie qui devraient ouvrir de nouveaux et vastes marchés alors que la planète cogne à notre porte en raison d'une demande croissante en énergie, en nourriture et en matières premières.

Toutefois, les Albertains réalisent également que de vastes ressources régionales ne signifient rien sans les marchés, que l'accès à ces marchés devient de plus en plus difficile et que cet accès ne peut être assuré, de toute façon, sans une collaboration avec le fédéral. Ils auront besoin de l'aide d'Ottawa pour riposter aux attaques des environnementalistes contre les sables bitumineux, pour assurer l'accès des Américains au gazoduc ou pour développer l'accès du gazoduc vers la côte du Pacifique.

De même, réussir à convaincre les gens que l'industrie de l'extraction en Alberta satisfait à des normes élevées en matière d'environnement nécessitera l'émission de certificats de performances de la part du gouvernement fédéral.

Ces questions pratiques ne suffisent toutefois pas à expliquer toute la situation. La prospérité générale de la région, l'espoir suscité par l'ouverture des marchés asiatiques et le déplacement vers l'ouest des économies nationale et mondiale, ont restauré la conviction qu'un nouveau Canada peut être construit dans l'ouest du pays. Le rêve national accompagne l'économie dans son déplacement vers l'ouest.

Maintenant, il est vrai, il n'existe pas beaucoup d'enthousiasme envers les programmes nationaux, mais il y en a pour les projets nationaux et pour relier les infrastructures entre les ressources canadiennes et les marchés mondiaux. Cette distinction entre programmes et projets nationaux pourrait très bien trouver sa place au sein du nouveau modèle de fédéralisme proposé de manière plus que prudente par Stephen Harper et son gouvernement conservateur.

Avec pour conséquence que les nouveaux développeurs d'une nation canadienne, les rêveurs, se retrouveront probablement plus souvent dans les tours à bureau de Calgary que n'importe où ailleurs. Qui aurait prédit ce revirement de situation au moment de l'imposition du programme énergétique national?