Dans un avis sur les troubles de comportement des élèves à l'école, le Conseil supérieur de l'éducation rapportait en 2002 que l'intimidation était un phénomène sous-estimé par les directions d'écoles et l'ensemble des intervenants des écoles. Il a fallu attendre six ans avant que la ministre Michelle Courchesne présente un Plan d'action pour prévenir et traiter la violence à l'école (2008-2011).

Mais trois ans et 15 millions de dollars plus tard, qu'est-ce qui a changé dans nos écoles? Le taux d'intimidation a-t-il réellement diminué? On parlait à l'époque de 10 à 15% des élèves qui, sur une base quotidienne, subissaient de l'intimidation. C'était trois à quatre élèves par classe, par jour. C'était, et c'est encore le cas, malgré toutes les interventions et les programmes mis en place.

Le problème, comme me disait une élève, c'est que les adultes ne font qu'en parler. Des conférences, des comédiens, des ex-victimes, des policiers, des pièces de théâtre ne changent rien au phénomène.

Les élèves sortent des présentations et continuent de déverser leurs insultes. Un élève a failli se faire tuer par un autre élève aussitôt une présentation terminée.  Il ne lui aimait pas la face.  Qu'est-ce qu'il avait compris?  Il avait entendu, mais n'avait rien intégré.

On veut voir vos propres comportements, vous adultes, devant les gestes d'intimidation. On veut voir vos interventions quand un adulte, un élève, vous intimide. Ce n'est pas propre aux élèves, l'intimidation. Environ 20% des enseignants sont victimes de violence de la part d'un collègue, 16% le sont de la part d'un parent et 29% de la part d'un élève. C'est encore plus que l'intimidation entre élèves. Et vous, à votre travail? Qui vous intimide? Qui intimidez-vous? De qui riez-vous?

Quel modèle sommes-nous pour nos enfants? Comment réagissez-vous quand un humoriste ou un collègue rit d'une autre personne? Quand vous entendez à la radio des commentaires désobligeants devant vos enfants ? Riez-vous à gorge déployée ou vous servez-vous de cet événement pour parler de conduites pacifiques, de tolérance et de différences? Rire des autres, se moquer, harceler, ça s'apprend et ce, en très bas âge. Les enfants nous imitent, c'est bien connu.

Ce que le Conseil supérieur disait aussi, c'est que l'exposition à des actes de violence (télévision, ordinateurs, jeux vidéo) a augmenté de 400% dans les 10 dernières années. Parallèlement, le nombre d'élèves qui ont des troubles de comportement a triplé dans nos écoles durant la même période. Hasard?

Quand les balises ne sont pas bien établies, quand les points de repère changent continuellement, que nos valeurs sociétales sont aléatoires, on laisse à l'adolescent, en pleine crise identitaire, le danger de s'inspirer de faux modèles. Comme ceux du cinéma et des vidéos qui valorisent la violence à outrance. Étourdi, le jeune ne sait plus où se situer.

Si son environnement ne lui permet pas d'établir son identité, c'est alors que surgissent des réflexes de narcissisme, d'individualisme et d'identification pathologique aboutissant à des comportements antisociaux et suicidaires. Une relation équilibrée avec autrui passe nécessairement par une identité bien affirmée.

Les jeunes ont une tendance marquée à ne pas tolérer la souffrance et à chercher des palliatifs (drogues, alcool). En tant qu'intervenants, nous faisons face à une nouvelle réalité. Il y a beaucoup de détresse chez nos jeunes. Près de 10% des jeunes de 14-18 ans vivent une dépression sévère. Environ 16% des adolescents québécois, dont une majorité de filles, présentent suffisamment de signes de dépression pour qu'il y ait lieu d'intervenir alors que de 5 à 9% présentent un trouble dépressif majeur. C'est énorme.

Avec la souffrance vécue dans les trois dernières années, on peut facilement penser que Marjorie Raymond présentait plusieurs signes de dépression. Comment se fait-il qu'aucune personne n'ait pu lui fournir les services que nécessitait son état?