J'aurai passé, depuis mon arrivée à Ottawa en 1969 en qualité d'adjoint du très honorable Pierre Elliott Trudeau, plus de 20 ans sur la colline du Parlement.

Le moment est maintenant venu pour moi non pas de tourner une page ou d'entreprendre un nouveau chapitre de ma vie, mais de clore une fois pour toutes ma carrière parlementaire, le 2 décembre. Au cours des années où j'ai siégé à la Chambre des communes et au Sénat, soit 12 ans comme député et six ans comme sénateur, j'ai eu le très grand privilège de participer activement à la vie politique de notre pays.

Comme plusieurs de mes contemporains, j'ai été attiré au service de notre pays en répondant à l'appel lancé par Pierre Elliott Trudeau à la fin des années 60. Il nous conviait à bâtir une société plus juste, une société encore plus prospère, capable de faire une place meilleure à tous, quelle que soit leur origine, leur sexe ou leur âge.

Rapatriement de la Constitution, Charte des droits et libertés, bilinguisme officiel, mesures sociales, Pierre Elliott Trudeau a marqué de façon indélébile l'histoire de notre pays. Je suis fier d'avoir répondu à son appel et d'avoir apporté ma modeste contribution au travail colossal qu'il a réalisé en vue de l'amélioration du bien commun.

Tout en étant exceptionnelle, son oeuvre s'inscrit dans la foulée des Macdonald, Laurier, King, Saint-Laurent, Pearson, Clark, Mulroney, Chrétien et Martin, qui ont tous su relever les défis de leur époque. Le Canada d'aujourd'hui est le produit des efforts incessants de leurs administrations successives. Par leur travail et acharnement, ils ont amélioré la condition de leurs contemporains et légué à leurs successeurs un pays qui fait toujours l'envie du monde entier, et c'est là un défi que doit continuer de relever tout gouvernement de ce pays.

Comment avoir oeuvré sur la scène politique canadienne des 40 dernières années sans avoir été interpellé par le dossier du Québec?

Québécois de naissance et issu d'une famille canadienne d'origine irlando-française, j'ai intimement vécu la réalité de la dualité canadienne. J'ai été en mesure d'en apprécier la richesse, mais également d'en mesurer la complexité et la fragilité. Surtout, j'ai pu reconnaître les dangers que nous fait courir notre incapacité à résoudre certains différends qui continuent d'alimenter des tensions entre nos deux communautés. Le défi de l'unité nationale demeure entier. Chaque gouvernement successif en est le fiduciaire. Il revient à chaque gouvernement de veiller à créer des conditions gagnantes pour le fédéralisme et de s'assurer que chaque génération renouvelle son attachement à ce grand pays.

L'absence du Québec comme signataire de notre Constitution constitue le symbole d'un clivage profond dans l'esprit de plusieurs dont la portée ne saurait nous échapper. Depuis bientôt 30 ans, cette situation colore le paysage politique de notre pays et est invoquée par plusieurs pour freiner la mise en place d'assises nationales encore plus solides.

Les tentatives précédentes d'y trouver une solution méritent d'être saluées. Je salue plus particulièrement les tentatives de M. Brian Mulroney qui ont mené à l'accord du lac Meech. Tous, de ce côté-ci de la Chambre, ne sont pas d'accord avec moi, mais je crois que M. Mulroney est vraiment allé au bout des ses moyens pour tenter de réintégrer le Québec dans la Constitution.

On ne peut qu'espérer l'émergence de nouvelles tentatives et qu'elles soient couronnées de succès. Elles pourront alors contribuer à consolider les assises de notre pays.