Vendredi, les 1100 municipalités du Québec devront avoir adopté un code d'éthique pour leurs élus. L'objectif est louable puisque seulement 10% d'entre elles en possédaient un jusqu'à tout récemment.

Malheureusement la méthode et les résultats ne semblent pas être au rendez vous. Les codes que j'ai consultés à ce jour, à part celui de la Ville de Québec, sont fades et à des années-lumière des bonnes pratiques. La plupart ne font que reprendre le texte de la loi pour éviter les situations «rouges» sans donner d'outils pour appuyer les élus lorsqu'ils seront confrontés à des situations «jaunes» ou devront faire un choix parmi plusieurs alternatives «vertes».

L'éthique, ce n'est pas une liste d'épicerie d'actions à faire ou à ne pas faire; c'est plutôt «faire la meilleure chose dans les circonstances, dans chaque situation».

Ces codes ont été adoptés à la hâte sans véritable participation des élus. Avoir un code pour avoir un code n'apportera pas une véritable appropriation de l'éthique, appropriation qui est pourtant l'objectif ultime poursuivi. Le plus important est la démarche menant à l'adoption d'un code : la rédaction est souvent aisée et en découle naturellement.

Malheureusement, face à une date butoir relativement serrée, les villes n'ont pas eu l'opportunité de mettre en place une véritable démarche, se contentant d'adopter pour la grande majorité des «copier-coller» rédigés par une poignée de firmes d'avocats qui ont le quasi-monopole du secteur municipal.

Pire, lors de formations que j'ai dispensées aux élus tant au Barreau qu'à la FQM, un très grand nombre d'élus ont ouvertement exprimé avoir en travers de la gorge la manière dont ils se sont fait imposer ces codes. C'est comme si le gouvernement actuel s'était improvisé «curé de l'éthique» et leur avait dit avec arrogance «je vais vous rendre éthique»...

Le gouvernement semble également avoir adroitement réservé le métier de conseiller en éthique à des avocats, soulevant l'indignation de plusieurs éthiciens non avocats que l'on compte pourtant parmi les meilleurs du domaine. D'ailleurs, au cours des derniers mois, plus de 125 avocats sont instantanément devenus des spécialistes en éthique sur la liste du ministère des Affaires municipales alors que le Québec comptait tout au plus une trentaine de conseillers à l'éthique il y a moins d'un an... Est-ce une pratique responsable?

Firmes d'avocats, de comptables, de relations publiques et mêmes informatiques se lancent dans la valse de l'éthique en espérant que ce domaine sera le prochain «Klondike». Une entreprise propose même d'attribuer une certification éthique aux organisations municipales, utilisant indirectement la réputée et crédible norme ISO pour mousser ses services. Cette pratique est irresponsable puisque c'est dire aux citoyens que la «ville est éthique, faites-lui confiance»... Évaluer des documents, des structures et des encadrements est possible.

Cependant, il sera toujours difficile d'évaluer l'éthique des individus. Gardons en tête l'analyse de Worldcom par l'examinateur Richard C. Breeden, qui écrivait que cette entreprise dépassait même dans plusieurs domaines les normes acceptées de «pratiques exemplaires» et que ceci illustre bien que la gouverne efficace ne s'obtient pas en suivant simplement une «liste de contrôle» des pratiques exemplaires recommandées.

Nous sommes en train de technocratiser l'éthique et la rendre rouge alors qu'elle devrait être verte. Ces quelques propos font échos aux discussions que j'ai eues dernièrement avec plusieurs artisans de l'éthique qui, malgré ce faux départ de l'éthique municipale, gardent espoir qu'élus, cadres et employés laisseront à l'éthique une seconde chance de leur faire bonne impression.