Le procès Shafia me fait frissonner. Les faits rapportés sont dignes d'un scénario de film d'horreur. Tous les jours, des éléments se rajoutent pour venir amplifier l'envergure du drame. Crime d'honneur ou crime de société?

Sahar, Zainab et Geeti ont crié haut et fort leur grande détresse, elles ont supplié, lancé d'innombrables messages, se sont tournées vers les ressources en place. Et pourtant, le résultat final, c'est que trois jeunes filles sont mortes de façon horrible et inexplicable à nos yeux de Nord-Américains.

Comment expliquer ces ratés de notre système? Comment expliquer que nous n'ayons pas été en mesure de les sauver, d'écouter leurs cris d'alarme, d'intervenir?

La DPJ, la police, les enseignantes, la direction de l'école, des passants, des voisins, des amis; tout le monde savait, mais le résultat est que trois jeunes filles ont quand même laissé leur vie dans la plus grande peur!

Lors du témoignage de la directrice adjointe de l'école que les filles fréquentaient, celle-ci a déclaré: «On en a fait beaucoup. On a fait plus que notre rôle d'école.» J'ai eu un profond malaise en lisant cette déclaration. Où doit s'arrêter notre rôle lorsque nous avons la profonde conviction que la situation est grave et que les enfants sont terrorisés par la peur et se sentent menacés? Doit-on croire que nous avons fait notre part ou devons-nous pousser, enquêter, harceler les autres intervenants pour répondre à cette détresse humaine?

Le procès Shafia me pousse à m'interroger grandement sur le rôle que nous avons tous dans notre société. Je constate que le sort qu'ont connu ces trois jeunes filles soulève beaucoup moins d'empathie dans la population que les meurtres sordides des deux enfants Turcotte. Pourtant, dans le cas Turcotte, rien ne permettait de prévoir, personne ne se doutait que ce bon docteur pouvait être machiavélique, alors que dans le cas des soeurs Shafia, tout le monde le savait. Les trois jeunes filles sont mortes sous les yeux fermés de la société!

Depuis le début de cette sordide affaire, nous parlons de crime d'honneur, alors que les soeurs Shafia ont été victimes d'un crime de société, une société incapable de s'occuper véritablement de ses enfants, une société bourrée de préjugés sociaux qui trop souvent prennent le dessus sur l'être humain!

Aurions-nous plus réagi, et mieux, si les Shafia avaient été des Tremblay?