Le mouvement Occupy Wall Street (OWS) s'essouffle. Il s'essouffle comme tous les autres mouvements de contestation ayant une philosophie contre-culturelle plutôt que politique.

Ces derniers jours, les médias parlent plus de la répression que du message, d'organisation de vie en commun que du message que même les «indignés» montréalais interviewés cette fin de semaine à Radio-Canada n'arrivaient pas à articuler.

En fait, ceci est la base du problème. On a plus parlé de l'occupation, de l'organisation du mouvement que de ses revendications, qui sont aussi multiples que le nombre de personnes qui s'indignent. Il semble qu'il est temps que le mouvement s'organise politiquement. Cela a peu de chance d'arriver car il tient de l'événement, pas du mouvement politique. OWS s'inscrit dans un courant de contre-culture qui part des Beatniks, va aux punks et grunges en passant par les hippies.

La contre-culture et les mouvements qui la portent cherchent à manifester leur «rejet» de la société en créant un nouveau mode de pensée qui doit en montrer les travers. Cependant, tous ces mouvements ont finalement été récupérés par le «système». Pourquoi? Parce qu'ils ne sont que des moyens de consommation différents plutôt que d'êtres des mouvements politiques réformistes. Ils ont tous du mouvement de consommation: habillement, mode de vie, art et expérimentation en tous genres, dans le cas présent, suivant la mode, en faisant du camping, mais urbain. Aucun message politique réaliste et cohérent. Il s'agit plutôt de gestes dramatiques, de slogans destinés à «réveiller les esprits» mais pas à réformer de façon concrète la société. Tous ces mouvements demandent plutôt une expérimentation à l'extérieur du système, une coupure avec celui-ci afin d'en voir les travers et les dénoncer.

Le problème est que tous les véritables mouvements de réforme ont été effectués à l'intérieur du système, par de longues et laborieuses luttes politiques.

La lutte pour les droits civiques aux États-Unis n'a pas été menée par des hippies. Elle a été menée par des gens organisés qui ont risqué beaucoup, parfois leur vie pour l'avancement de la cause. Les droits des femmes n'ont pas été reconnus par quelques manifestations. Il s'agit d'une lutte longue et organisée, menée par des organismes, des partis politiques, des groupes de pression, des individus. Il ne s'agit pas d'un terrain de camping où les gens votent sur comment la soupe sera répartie. L'avancement du droit des ouvriers se fait par des manifestations, des grèves, des revendications construites. Même chose pour la Révolution tranquille. Il faut des demandes précises qui peuvent être réalisées via des réformes réalistes. Les grandes causes comme la disparition du capitalisme et des inégalités dans toute la société ne sont que des chimères, nobles certes mais surtout accrocheuses auprès d'une certaines catégorie de consommateurs. Le but étant si éloigné et les moyens difficiles à mobiliser que la cause est perdue d'avance et éventuellement, on ne pourra que dire que le système a gagné. En attendant, on montre que l'on a expérimenté le combat ultime contre le Goliath du capitalisme.

Ceci ne veut pas dire qu'il ne faut pas faire de réforme. Au contraire. Le sommet de l'élite économique accumule de la richesse comme il ne l'a jamais été possible de l'imaginer. Les inégalités sont criantes. La cause est bonne. Les moyens sont ridicules et tiennent plus du rendez-vous Atmosphère/Mountain Coop Equipment que de la véritable contestation. Ce type de manifestation détourne de l'énergie qui devrait être canalisée vers un objectif plus concret. En fait, et ceci est pire, ce type d'événement discrédite la véritable contestation.

Au lieu de se lancer dans des croisades aux objectifs nébuleux, pourquoi ne pas manifester contre tous ce qui est révélé par l'émission Enquête depuis quelques années? Voilà une cause valable et concrète. L'avancement de la justice, de l'équité est difficile, long et demande de l'organisation. Leur répression demande la même chose. Le problème est que pour la répression, il y a organisation. On ne change pas un système facilement, à moins de faire une révolution en bonne et due forme, ce qui demande de lourds sacrifices, demandez aux gens qui ont vécu le Printemps arabe.

Les mouvements comme OWS sont destinés à échouer. Comme son promoteur, Adbuster, ils ne sont que des produits de consommation. Une forme de contestation expérimentale héritière des communes des années 1960. Une mode sans lendemain politique, ce que les philosophes Andrew Potter et Joseph Heath nomment un «rebel sell», une «révolte consommée». Éventuellement, tout comme les Coccinelles de Volkswagen, les symboles de la «contestation» vont se vendre; t-shirt, album souvenir, photos des contestations, entrevues, souliers contestataires. N'oublions pas qu'Adbusters s'insérant dans la contre-culture des années 90 a lancé sa propre marque de souliers, les Black Spot. Pourquoi ne pas faire de la publicité sur les bottes portées par les contestataires? Pourquoi ne pas lancer une gamme complète «contestataire»? La vérité est que tout ceci n'est qu'une forme d'expérience consommable organisée par les tenants de cette forme de contestation.

En se coupant de la société, les indignés et leurs prédécesseurs se coupent de la seule sphère qui peut mener à des réformes et laissent ainsi la place à des groupes plus conservateurs comme le Tea Party aux États-Unis par exemple. N'en déplaise aux optimistes, Occupy Wall Street et ses émules ne sont pas là pour durer, du moins dans leur forme actuelle.