L'éditorialiste de La Presse présente notre documentaire comme «un film catastrophe qui prédit la faillite du progrès et annonce une crise de civilisation». À cette critique, je me dois d'intervenir et de rappeler à Mario Roy que s'il y a une chose que le film ne fait pas, c'est de faire dans la prédiction ou dans la prescription.

Survivre au progrès aborde des thèmes brûlants d'actualité comme l'origine du concept de dette, la question de la surpopulation, mais surtout, la rupture du contrat social entre les populations et des élites qui succombent à une idéologie pathologique. Que ce soit les prêtres mayas, les sénateurs patriciens de Rome ou les banquiers d'investissement de Wall Street, l'élite a cette tendance myope de perdre de vue le bien commun. Aveuglée par de fausses croyances dont le credo se résume à la recherche immédiate de profits, l'élite financière contemporaine sombre dans l'intégrisme du néolibéralisme économique et donc dans un piège du progrès.

Par cette idéologie fondamentaliste de progrès économique, la mondialisation s'opère à grande vitesse et prend en otage nos institutions démocratiques en contribuant à la destruction des écosystèmes.

Mario Roy qualifie ces problèmes de «lieux communs» et ne croit pas que les ressources naturelles disponibles à l'humanité s'amenuisent malgré un consensus scientifique clair: notre civilisation franchit un stade critique, le capital naturel s'essouffle dans sa capacité à se régénérer. Les signaux d'alarme sont multiples: nous avons épuisé la capacité des terres arables à se reconstituer. Nous manquons d'eau potable. Nous continuons d'ajouter des quantités dangereuses de méthane et de CO2 dans l'atmosphère, et la moitié de l'humanité vit toujours dans des conditions inhumaines.

L'idéologie du progrès économique repose sur la pensée magique que la technologie saura toujours faire face aux défis humains et environnementaux. Cette foi aveugle, à laquelle adhère Mario Roy, donne l'illusion que la technologie permet à l'homme de poursuivre sa croissance économique ad vitam aeternam, et de repousser les limites naturelles de notre monde.

Le grand combat du XXIe siècle consiste à dénoncer cette fraude en redevenant citoyens (au-delà du simple consommateur), et en exigeant l'adoption de mesures durables et transparentes tout en faisant une place plus grande aux femmes dans la gestion et la gouvernance de la société de demain. C'est en considérant l'aspect moral du progrès et non seulement ses composantes économiques que nous éviterons les pièges qu'il continue de semer sur la voie de l'humanité.