Je tiens à exprimer ma révolte devant la nomination d'un vérificateur général et surtout d'un juge à la Cour suprême unilingue dans un pays où, soi-disant, il y a deux langues officielles jouissant, au fédéral, d'un statut égal.

Je m'insurge d'autant plus que, ayant oeuvré 32 ans à ce niveau de gouvernement, je me suis battu pour que la loi sur les langues officielles soit respectée, particulièrement dans l'embauche de personnel bilingue dans des postes exigeant la connaissance (parfois minimale) des deux langues, au risque de me faire accuser de traître «separatist».

L'argument inverse, c'est-à-dire d'imaginer l'embauche d'un unilingue francophone dans un poste désigné bilingue, ne les émeut pas, cette éventualité étant totalement nulle car, de toute façon, le monde entier parle anglais. Les autres langues ne sont, à leurs yeux, que presque folkloriques. Tous les anglophones ne pensent pas comme ça, mais je dirais que la majorité souffre du syndrome du dominant qui n'en a rien à foutre du respect des minorités, fussent-elles leurs égales.

Que, dans mon pays, je doive me faire juger par un juge qui ne parle pas ni ne comprend ma langue me semble irréel. Je me sens comme si je parlais le farsi. Que mes arguments exprimés avec toute la subtilité langagière propre à des causes portées à ce niveau soient passées par le filtre distordant d'un interprète ne me rassure pas du tout. Sans compter le message envoyé à toute la fonction publique fédérale comme quoi la compétence linguistique exigée par le poste n'a plus aucune espèce d'importance.

Heureusement, la Fédération des associations de juristes d'expression française, organisme hors Québec, va porter la décision devant les tribunaux. Si ça monte en Cour suprême, j'espère que le juge unilingue va se désister!  Mais les autres vont-ils désavouer leur nouveau collègue?

Pourquoi pas plus de tollé au Québec?

Quant à moi, ce n'est ni Pauline Marois, ni Gilles Duceppe et compagnie qui vont me convaincre que nous serions mieux repliés sur nous-mêmes et d'abandonner ce qui nous appartient de ce vaste pays dont les «valeurs», somme toute, ne sont pas terriblement différentes des nôtres.

Mais Harper, qui fait ressortir tout ce qu'il a de plus red neck chez les anglophones, est sur le point de réussir à me faire virer mon capot de bord. Pour moi, ce serait une défaite car, même minoritaire en nombre, j'ai toujours été partisan d'une forte et fière affirmation de ce que nous sommes dans ce pays qui ne serait pas ce qu'il est sans nous.