Le président syrien Bachar al-Assad cède finalement au mouvement de contestation dans son pays et accepte le plan de paix de la Ligue arabe. Ses éléments essentiels - dialogue national, retrait des chars, libération des prisonniers - peuvent aider à bâtir le début d'une solution.

On peut toutefois se poser la question de savoir si le président est sincère ou s'il s'agit d'une autre de ces manoeuvres dont le régime syrien a le secret? Le temps le dira. Une chose est cependant certaine, le président s'accroche au pouvoir et avertit l'Occident qu'une intervention contre son régime va mettre le feu au Proche-Orient.

Bachar al-Assad a reçu récemment un envoyé spécial d'un grand quotidien britannique afin de rompre le silence sur ce qui se passe dans son pays. Il a parlé à l'opinion occidentale comme elle aime voir les dirigeants mondiaux le faire, tant sur la forme que sur le fond. Décontracté au point de porter un jean, le leader syrien a averti les Occidentaux qu'ils ne comprenaient rien au Proche-Orient en général et à la Syrie en particulier. « Gouverner un pays occidental et la Syrie, c'est comme travailler avec un PC et un Mac, les deux ordinateurs font le même travail, mais n'ont pas le même système d'exploitation et ne se comprennent pas », a-t-il dit.

Venant d'un ophtalmologiste formé à Londres et parlant couramment l'anglais et le français, la formule fait mouche. Pourtant, s'il se veut moderne et branché, Bachar al-Assad reste un dictateur, certain de son bon droit et prêt à exagérer l'importance de son pays et de ses capacités, comme l'ont fait Saddam Hussein et le colonel Kadhafi avant lui.

La Syrie «est le centre» du Proche-Orient, a-t-il dit. Si vous intervenez, «vous risquez de provoquer un séisme, [...] un nouvel Afghanistan ou même des dizaines d'Afghanistan.»

La Syrie a en effet une grande capacité de nuisance dans cette partie du monde, mais le président parle-t-il sérieusement? D'autres avant lui ont pronostiqué des catastrophes et ils ont mal fini.

En son temps, Saddam Hussein aussi promettait de mettre le feu dans sa région et en particulier dans le golfe Persique. Il cherchait la mère de toutes les batailles. Au bout du compte, isolé et privé de tous relais à l'extérieur, il a fini au bout d'une corde. Kadhafi aussi promettait de déstabiliser l'Afrique du Nord et même le sud de l'Europe. Il est mort, massacré. Son fils Saïf al-Islam lui aussi recevait en jean et parlait droits de l'homme et haute technologie. Il lutte maintenant pour sauver sa peau.

La Syrie est un cas différent, du moins en apparence. Le régime en place tient grâce à l'armée et aux services de sécurité. C'est sa force et aussi sa faiblesse. Il peut s'effondrer comme un château de cartes. Il a des relais à l'étranger: à travers le Hezbollah, il domine le Liban, ou presque; à Gaza, il peut compter sur le Hamas; l'Iran l'arme et le subventionne. Acculé, Bachar Al-Assad peut actionner ses leviers, plonger le Liban dans la crise, faire bombarder Israël, tenter de déstabiliser la Jordanie. Ni Saddam ni Kadhafi n'avaient cette capacité.

Toutefois, Bachar al-Assad peut-il vraiment compter sur ses relais? Au moment où la Turquie l'abandonne et où la Chine prend ses distances, les «amis» du président syrien voudront y penser à deux fois avant de le suivre. Pour leur part, les Occidentaux doivent jouer de prudence. La meilleure stratégie est encore l'isolement et les pressions.

Le président syrien, lui, est face à l'alternative suivante: ou il quitte le pouvoir pacifiquement grâce au plan de la Ligue arabe, ou il finit comme ses homologues irakien et libyen. Le feu est déjà allumé en Syrie. Il va consumer son président, d'une manière ou d'une autre.