Le salaire astronomique des sportifs professionnels est beaucoup plus élevé que celui des financiers.

Je travaille dans le milieu de la finance à Montréal et je sens que bien des regards se tournent vers les gens de ma profession à la suite du mouvement Occupy Wall Street. Étant de nature généreuse, j'aimerais bien partager cette attention qu'on nous porte.

Je propose un nouveau mouvement: Occupy Centre Bell. On s'offusque de l'inégalité des salaires du secteur financier, sans commune mesure avec le salaire moyen. Or, le salaire des sportifs professionnels est incontestablement plus élevé que ceux de mes pairs.  Comment osent-ils nous soutirer autant d'argent alors qu'ils ne font que jouer un jeu, souvent de façon indisciplinée? Pire encore, la moitié de ces équipes ont des rendements médiocres, se classant sous la médiane de leur ligue. Comment peuvent-ils justifier leurs salaires astronomiques dans ces conditions?

Oui, me dira-t-on, mais on a dû faire un «bailout» des financiers de Wall Street (pas au Canada, mais inutile de s'enfarger dans les fleurs du tapis).  e tiens à souligner que chaque sou fourni par le programme gouvernemental TARP pour aider les entreprises financières a été remboursé et qu'il n'a, finalement, rien coûté au contribuable américain.

De son côté, les équipes de sport professionnel se font construire des complexes sportifs aux frais de l'État partout dans le monde (même à Québec!), et bénéficient de rabais (ou d'exemptions) de taxes dans la majorité des cas.

Par contraste, le secteur financier est un des plus grands contributeurs de revenus d'impôts aux gouvernements, par l'impôt personnel et corporatif, et par une taxe sur la masse salariale spéciale imposée aux institutions financières.

Enfin, des réformes du secteur financier devraient être mises en place sous peu (Bâle, Volkner Rule), alors que dans le monde du hockey on s'obstine encore sur la légitimité de la violence. Dans ce contexte , Occupy Centre Bell me semble bien attrayant...

Ou pourquoi pas Occupy la colline parlementaire? Les gouvernements ont été un joueur majeur de la débâcle financière. Par l'imposition de quotas minimaux de gens à faibles revenus pour lesquels on devait faciliter l'accès à la propriété (on songe aux cibles de Fannie Mae et d'autres agences ayant contribué à l'essor des «subprimes»). Par la manipulation de taux de change avec le yuan par les autorités chinoises (favorisant la surconsommation partout dans le monde, de même qu'une recherche de rendements accrus étant donné les taux d'intérêt trop bas qui en résultent). Par les taux des banques centrales trop bas avant la crise. Et, surtout, par l'endettement éhonté des gouvernements européens, qui en vient à menacer la social-démocratie elle-même. Partageons l'indignation populaire du moment, et occupons toutes ces places!