Lors de son congrès annuel, à la fin d'octobre, l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ) désire se pencher sur le décalage entre la formation des infirmières au Québec, qui peuvent exercer leur métier avec un diplôme de niveau collégial, et les autres provinces, où elles doivent obtenir un diplôme universitaire.

Je ne comprends pas comment ce débat peut avoir lieu dans un contexte où les énergies et le temps devraient plutôt être consacrés à attirer encore plus d'étudiantes vers la profession d'infirmière et à retenir les infirmières actuelles.

Selon plusieurs experts, la pénurie actuelle d'infirmières ne serait que la pointe de l'iceberg si rien n'est fait pour contrer cette situation.  La population de plus en plus vieillissante va nécessiter plus de soins et de traitements. Le fait de rendre le bac obligatoire pour l'exercice de la profession risque de nuire aux efforts mis en oeuvre pour augmenter ou simplement maintenir un niveau acceptable d'entrées dans la profession.

Tant que notre système d'éducation maintiendra les institutions collégiales, il ne sert à rien de tenter de nous comparer aux autres provinces ou pays où ces institutions n'existent pas, et de comparer leur bac au nôtre. Chacun a ses réalités qui lui sont propres. De plus, nous sommes plus de 70 000 infirmières au Québec: je ne vois pas comment  le gouvernement pourrait assumer l'augmentation de la masse salariale que le bac obligatoire imposerait.

Règle générale, il est utile et primordial de se pencher sur une situation lorsque celle-ci devient problématique. J'aimerais comprendre en quoi le DEC au collégial est problématique. Plus des deux tiers des infirmières sont actuellement issues de cette formation, qui semble parfaitement adaptée aux réalités et complexités de notre système de santé en évolution.

À l'examen de l'OIIQ, porte d'entrée obligatoire pour pouvoir exercer la profession, les étudiantes du DEC performent aussi bien que les étudiantes du bac.

De plus, je n'ai jamais entendu parler d'études à l'effet que les infirmières du DEC détenaient un plus haut taux d'erreurs de médicaments, de traitements ou de jugement clinique.

Donc, en quoi au Québec serions-nous gagnants d'exiger un bac? Je crois que le débat devrait plutôt se situer ailleurs, à un autre niveau. Interrogeons-nous plutôt à savoir pourquoi le bac dans sa forme actuelle existe-t-il  puisque le DEC est tout aussi pertinent? Ne serait-il pas temps de se demander à quoi sert-il et comment pourrait-il justement devenir un avantage pour l'infirmière?

Peut-on envisager que le bac devienne une poursuite de formation pour l'infirmière, une spécialité en quelque sorte? Ainsi une infirmière qui se passionne pour la pédiatrie pourrait poursuivre une spécialité dans ce domaine pendant trois ans et devenir infirmière bachelière spécialisée en pédiatrie.

Je suis à 100%  pour la formation continue et le développement des compétences. Je suis moi-même la preuve vivante que les parcours peuvent être différents mais tout aussi enrichissants. Après avoir obtenu mon DEC et travaillé quelques années dans différents milieux, je suis retournée faire, à temps partiel, trois certificats universitaires en soins infirmiers, ce qui m'a donné un bac « ex sciences ». Tout récemment, j'ai terminé avec succès une maîtrise en bioéthique.

L'OIIQ devrait peut-être retourner faire ses devoirs en tentant de poser un regard neutre et objectif sur la réalité des soins et des besoins réels de la population et s'ajuster ensuite à cette réalité.

Il serait préférable de continuer à chercher des moyens pour retenir les infirmières en place, car plusieurs quittent la profession ou se tournent vers les agences, découragées qu'elles sont par les conditions de travail souvent difficiles et le manque de souplesse des hôpitaux. Améliorer aussi les stratégies de gestion du travail pour empêcher le temps supplémentaire obligatoire imposé aux infirmières, ce qui a pour effet d'augmenter les erreurs de toutes sortes, en causant du tort aux bénéficiaires.