La gauche est-elle de retour au pouvoir ou sur le point de le conquérir dans la plupart des pays occidentaux, comme pourraient le laisser croire certaines victoires électorales et les sondages d'opinion, ou est-ce simplement une impression relevant d'une analyse un peu superficielle de la situation? Passe-t-on réellement du bleu au rouge?

L'ascension de la gauche commence il y a déjà trois ans avec l'élection de Barack Obama à la présidence des États-Unis et la réélection des travaillistes en Australie et des socialistes en Espagne et au Portugal. Des gouvernements de gauche sont déjà aux affaires en Norvège, en Finlande et au Royaume-Uni. La Grèce et l'Islande virent socialiste en 2009 et, la même année, le conservateur Japon vote pour une coalition sociale-libérale.

Cette année, le mouvement semble s'accélérer. Le Danemark renoue avec les socialistes après dix années d'éclipse. En France, la gauche s'empare du sénat pour la première fois en 50 ans, alors qu'en Allemagne les conservateurs de la chancelière Merkel mordent la poussière dans les Länder. Même au Canada, malgré la victoire des conservateurs en mai, le centre gauche se maintient au pouvoir en Ontario, à l'Île-du-Prince-Edouard et au Manitoba.

Qu'est-ce qui pousse donc l'électorat dans cette direction? À première vue, on pourrait croire que les ravages de la crise économique de 2008 et le train de vie obscène de certaines gens d'affaires à New York, Londres ou Paris expliquent ce comportement. Si c'est le cas, alors la crise actuelle promet un véritable raz-de-marée de gauche l'année prochaine lors des prochains scrutins présidentiels en France et aux États-Unis. Et aux élections législatives en Espagne, ou peut-être même en Italie, si Silvio Berlusconi tire sa révérence.

Toutefois, l'explication est un peu courte et cache en fait des réalités nationales aussi singulières les unes que les autres.

Il y avait des gouvernements de gauche ou de centre gauche en Occident bien avant la crise et certains, comme au Royaume-Uni et au Portugal, ont été battus par la droite au milieu de la débâcle économique. Barack Obama n'est pas réélu, loin de là, et Nicolas Sarkozy n'est pas battu. La gauche progresse, mais la droite résiste. Ou est-ce si simple?

En y regardant de plus près, on se rend compte que la gauche gagne les élections de justesse, comme en Australie, au Danemark et en Finlande, et qu'elle doit souvent gouverner en coalition. À droite, les choses sont similaires. En Allemagne, Angela Merkel a gouverné en coalition avec les sociaux-démocrates. Au Royaume-Uni, la victoire du conservateur David Cameron n'a pas suffi à lui donner le pouvoir. Il a dû entrer en coalition avec les libéraux-démocrates.

En fait, on se rend compte que l'électorat déserte les grands partis traditionnels, du coup les fragilisant, et se réfugie ailleurs auprès de formations très à gauche, ou chez les verts et même, ce qui est inquiétant, du côté de l'extrême droite. Ce dernier courant, inconnu en Amérique du Nord, va chercher entre 10 et 27% des voix dans une douzaine de pays européens.

L'électorat se rend bien compte qu'à gauche comme à droite, les grands partis souvent aux commandes depuis longtemps n'ont plus les réponses aux questions du jour. En fait, les problèmes sociaux, économiques et politiques - chômage, dette, éducation, santé, immigration, poids de l'État - sont devenus si profonds et si énormes à régler que chacun s'y casse les dents. Et pour ne rien arranger, les grands partis sont accusés de complaisance avec ceux qui profitent de la crise économique. Le discours sur la rigueur ne passe plus et les groupes d'«indignés» se multiplient jusqu'aux pieds des temples de la finance à Wall Street.

Il serait plus juste de dire que la carte politique de l'Occident s'illumine de plusieurs couleurs qui changent constamment. Et cela risque de durer longtemps face aux incertitudes actuelles.