Dans près de deux ans jour pour jour, nous serons en élections. Le 1er novembre 2013, des milliers de Québécois se rendront aux urnes afin d'élire leurs maires et mairesses. L'heure est déjà au bilan, puisqu'il s'agira là d'élections d'importance. Pourquoi? Parce que l'émancipation du pouvoir municipal pourrait être la solution afin de combattre le cynisme ambiant face à nos politiciens et nos institutions.

Alors même que les enjeux actuels sont ceux liés à l'environnement, à l'immigration et à la pérennité de nos infrastructures, aucune politique ne pourra être concluante si elle n'est pas adaptée aux populations qu'elle doit servir. Face aux déboires récents du monde municipal, certains en appellent à une plus grande intervention du provincial dans tout ce qui touche à ces grands enjeux. Il pourrait au contraire être pertinent d'augmenter les pouvoirs des villes en ces matières, vu leur rôle primordial dans les services de proximité et la connaissance intime des élus des besoins de leurs concitoyens.

Or, la politique municipale est sans aucun doute le palier le moins valorisé depuis des années, les municipalités n'ayant pas les moyens d'assumer de telles ambitions. Qui plus est, la qualité des candidats n'est pas toujours à la hauteur des mandats qu'on pourrait leur confier.

Afin de créer un nouveau pouvoir municipal, il importe de travailler trois éléments. Le premier: il faut assurer un meilleur leadership municipal via l'arrivée d'une relève compétente et intègre. Lors des élections de 2009, 4498 personnes ont été élues sans opposition, ce qui représente près de 56% de l'ensemble des postes à combler. Le fait que de nombreux maires et conseillers municipaux restent au pouvoir pendant des décennies ne favorise certainement pas la démocratie municipale. Il faut inciter quelques bons candidats à prendre le risque de se lancer dans l'aventure électorale municipale, comme c'est le cas du charismatique Corey Booker, maire de Newark aux États-Unis. En cinq ans, son administration a été en mesure de diminuer le taux d'homicide à son plus bas en 40 ans, de récolter 200 millions $ en philanthropie privée et d'augmenter de 100% le nombre de logements sociaux. Il prouve que l'arrivée de nouveaux élus municipaux d'envergure permet la mise en oeuvre de réformes ambitieuses et nécessaires.

Deuxièmement, il nous faut offrir un nouveau modèle urbain, moins dépendant du développement de l'assiette foncière du territoire. Toute ville québécoise doit se doter d'un plan particulier d'urbanisme; l'efficacité énergétique, l'offre en transport en commun et la présence artistique doivent y être spécifiquement prévus. Quartiers LEED, système de partage de vélos et de voitures électriques, infrastructures efficaces en matière de réduction de consommation d'eau et d'énergie : toute nouvelle avenue de développement durable doit être mis de l'avant. De plus, dans un monde où les municipalités sont en concurrence afin d'attirer des citoyens, les villes doivent offrir des espaces où il fait bon vivre. Tout nouveau projet d'infrastructure ou de revitalisation devrait répondre à un souci artistique, voire même répondre à un plan d'implantation et d'intégration architectural.

Enfin, il faut donner aux maires les moyens de leurs ambitions.  Québec ne peut imposer une tutelle administrative aux villes, mettre en place des structures qui les rendent ingouvernables ou encore, déléguer plus de responsabilités sans donner de sources de revenus pour les gérer. Les villes doivent avoir davantage de pouvoir de taxation et avoir droit à une certaine discrétion quant à l'organisation de leur gouvernance. Elles doivent avoir le pouvoir de faire preuve d'initiative financière payante, telle l'adoption d'un modèle utilisateur-payeur pour la consommation d'eau et l'utilisation des routes. Elles doivent avoir le pouvoir de supprimer des postes électifs ou de reconfigurer des arrondissements afin de diminuer le nombre d'élus et les rendre d'autant plus imputables.

La controverse qui sévit actuellement au sein du monde municipal constitue une opportunité en or de repenser le rôle de nos municipalités. Des pistes de solution bien tangibles existent afin de sortir de cette impasse. Je ne peux qu'espérer que cette réflexion convainc des candidats de qualité intéressés à se lancer dans l'aventure. Après tout, il n'en tient qu'à nous de transformer nos communautés.