Après plus de 450 jours sans gouvernement issu des dernières élections fédérales, un accord final sur la réforme de l'État est finalement intervenu et laisse présager un dénouement à la crise politique belge.

Cet accord final bâtit sur deux ententes importantes intervenues dans les dernières semaines. Tout d'abord, les huit partis participant aux négociations (libéraux, socialistes, chrétiens-démocrates et écologistes flamands et francophones) se sont entendus le 15 septembre dernier pour scinder l'arrondissement électoral bilingue de Bruxelles-Hal-Vilvorde (BHV) qui chevauchait la Région de Bruxelles-Capitale et la Région flamande. En vertu de cet accord, parmi les francophones de Flandre résidant dans l'ancien BHV, seuls les habitants des communes à «facilités linguistiques» (des communes pour lesquelles le gouvernement flamand offre, sur demande, services et communications en français) pourront voter pour des listes électorales bruxelloises, c'est-à-dire pour des francophones. Ce droit sera inscrit dans la Constitution.

La question de BHV empoisonne la vie politique belge depuis longtemps. Les partis flamands trouvaient intolérables que des résidents de Flandre puissent voter pour des partis francophones tandis que les partis francophones voulaient que tous ceux qui faisaient partie de cet arrondissement électoral conservent ce droit. L'accord représente donc un compromis. Celui-ci est par contre opposé par deux forces importantes : le parti nationaliste flamand Nieuw-Vlaamse Alliantie (N-VA), qui s'en prend à la formalisation de droits pour les francophones vivant en Flandre, et le groupe Fédéralistes démocrates Francophones (FDF), organisation dont la raison d'être est la défense des francophones de Bruxelles et de sa périphérie qui opérait au sein du parti libéral francophone Mouvement réformateur (MR). Le FDF a quitté le MR suite à l'annonce de l'accord.

Dans la foulée de l'entente sur le BHV, les mêmes huit partis en sont aussi venus à une entente sur la réforme de l'État le 24 septembre dernier. Là-dessus, les partis flamands cherchaient une plus grande autonomie fiscale pour les entités constituantes de la fédération belge ainsi qu'une décentralisation de certains pans de la Sécurité Sociale. Les partis francophones défendaient le statu quo. L'entente prévoit que l'augmentation de l'autonomie fiscale s'accompagnera d'un mécanisme dit de solidarité qui compensera pendant 10 ans la Wallonie, plus pauvre, appelée à souffrir de cette réforme. Les allocations familiales seront aussi décentralisées.

L'accord final ouvre la voie vers la formation d'un gouvernement fédéral en Belgique. Il reste deux choses à négocier. La première est la composition exacte du nouveau gouvernement. Plusieurs partis souhaitent que les huit formations ayant négocié les accords soient du gouvernement mais les libéraux et chrétiens-démocrates flamands veulent écarter les deux partis écologistes.  La deuxième est l'agenda gouvernemental, incluant une approche à la réduction du déficit. Ceci étant dit, les questions du BHV et de la réforme de l'État étaient sans contredit les plus épineuses.

La formation prochaine d'un gouvernement fédéral impliquera deux nouveautés dans la politique belge contemporaine. Tout d'abord,  le parti qui a remporté les dernières élections, la N-VA, ne fera pas partie du gouvernement. En fait, c'est la décision des Chrétiens-Démocrates flamands d'accepter de négocier sans la N-VA qui a permis le déblocage. Ensuite, il appert que pour la première fois depuis plus de 30 ans la Belgique aura un Premier ministre francophone, car c'est le chef socialiste Elio Di Rupo qui a été l'architecte des accords.

La Belgique continue donc de se transformer institutionnellement et une certaine stabilité devrait régner jusqu'aux prochaines élections. Les différentes préférences des communautés linguistiques en matière de fédéralisme (plus de décentralisation pour les flamands et le statu quo chez les francophones) continueront fort probablement à rendre la formation de gouvernements difficile.